Les presbytères de Saint-Jean-du-Doigt
Il s’agit d’une refonte de l’article, du même auteur, paru dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, année 1999, pages 175 et suivantes. Quelques années avant la séparation de la trève de Saint-Jean-du-Doigt de sa paroisse mère de Plougasnou, laquelle fut officielle le 18 juin 1790, il est fait allusion, dans les écrits des paroissiens, à un presbytère à Saint-Jean. On lit, en effet, dans la requête du 9 juillet 1784, du « Général » de Plougasnou au Parlement de Bretagne : « ..... qu’il y a peu de reparations a faire aux murs du Presbitère ..... » Existait-il un presbytère, habituellement habitation du recteur de la paroisse, dans une simple trève ? Les comptes de Saint-Jean nous apportent la réponse dès 1580 : « Mises et payementz faictz par Lesd. comptabl. touchent La muraille encomanczee entour Le Jardin de la maison Rectorialle de Lad. parro. sits au bourg ..... » Il y avait donc une maison rectorale ! Mais dans quel bourg, celui de Saint-Jean ou celui de Plougasnou ? On trouve en effet fréquement des dépenses de Saint-Jean finançant des travaux à Plougasnou. Les comptes de l’année 1581 sont plus précis : « Mises faictes par Lesd. comptabl. a Lachivement de La muraille du Jardin du recteur de lad. parroie aud. bourg de sainct Jehan ..... » Il s’agit bien de l’habitation du recteur de Plougasnou, laquelle se trouvait au bourg de Saint-Jean. Ce que confirment les comptes de l’année 1586 : « Item A La Dame de la Ville gourry heritiere principalle de noble et Deffunct sieur scolastique de treguer Recteur de Lad. parro. pour sept aulnez de Velour noir qui apartenoint aud. deffunct estantz en La maison Rectorialle de Sainct Jehan acheptez pour faire Une chappe en Lad. chappelle fut paye Trante quatre escuz » Le recteur de la paroisse habitait donc bien la trève ! Il y avait bien eu un presbytère au bourg de Plougasnou, à l’emplacement de l’actuel restaurant de La Terrasse. Mais celui-ci devait être en ruine depuis fort longtemps. Si, en 1784, il y avait peu de réparations à faire au mur du cimetière, dans quel état était le presbytère lui-même ? Etait-il encore occupé par le recteur ? La réponse des tréviens de Saint-Jean à l’écrit des paroissiens de Plougasnou (vers 1787) nous renseigne : « ..... à l’egard du presbytere Mr l’abbé du Gaspern mourut au mois de mars 1741. Mr de Kergoc son beau frère traita avec le général de plougaznou pour une somme de 700 L. et la paya. Mr Le Squin qui le remplasa vint demeurer au presbytere, & y mourut au bout de 10 à 11 mois. Mr Maurice remplassa Mr Lesquin, & qui vint demeurer au meme presbytere, & y fut environ neuf à dix mois Mais voyant que la negligence du général de la paroisse de plougaznou qui n’i faisoit aucune réparation, quoique saisi de l’argent de Mr de Kergoc, prit le parti d’an sortir, & prendre l’augement ailleurs. Ce presbytere resté désert, le menû peuple de plougaznou & St Jan ne manqua pas de s’i lauger au nombre de 5 à 6 ménages. Le Général de plougaznou n’en fit aucun semblant, & les y a laissé jusqu’a ce que le presbytere nut tombé en ruine sans leur demander rétribution pour leurs laugements. Si le général avoit voulû employer l’argent qu’il avoit entre mains en temps & lieu, peut être que Monsieur Maurice y auroit fait Sa résidence ainsi que ses prédessesseurs, ou s’il n’i eût residé, on auroit trouvé quelque Bon fermier qui auroit payé Bonne Somme, & par ce moyen on auroit été à même de l’entretenir & soulage, future du laugement du Sieur Recteur. Mr Maurice fût remplacé par Mr Morvan qui tot après sa prise de possession assigna dans son prône le général de plougaznou pour lui fournir un l’augement, & indiqua un Jour pour l’assemblée, ce même Jour le Général s’assembla, & le Sieur Recteur signa sa requête sur le caier des délibérations. au même moment le général déclara qu’on estoit prest a lui faire Batir un l’augement sur les fondements de l’encien presbytere, tel que le sieur de maison-neuve architecte a Morlaix en avoit pris le plan, & qui etoit lors present ; a quoi le sieur Recteur répondit qu’il étoit fait Recteur de plougaznou, & qu’il prétendoit avoir son presbytere a plougaznou ; le Général voyant sa resistance delibera ce même jour de prendre de la fabrice de St Jan une somme de 800 L. tant pour payer le Sieur de maison-neuve, que pour solliciter un arrect du Conseil pour lever une somme sur les Biens fonds de la paroisse pour la batise de ce nouveau presbytere ; Cette somme fut mise le meme jour aux mains de françois Le Gac Grand fabrique de Plougaznou, avec ordre de diligenter cette affaire le plutôt possible, & se chargea le dit Gac sur le caier de déliberation. il y a neuf à dix ans depuis que cet argent est en souffrance & que l’on n’a oui parler ni d’arret ni d’argent, preuve de pure négligence. » Le « menu peuple » n’avait en effet pas manqué de se loger dans ce presbytère ainsi que le relate un acte de fermage passé devant Me Estienne Le Mareschal, notaire à Plougasnou, le 27 juin 1774 : « ..... a Jean Le Boubennec et a ses frere et seurs Demeurant Ensemble au vieux prespitaire De plouganou situé au bourg de saint Jean ….. » L’existence de ce presbytère en ruines est encore confirmée par le cadastre de 1827. On lit, dans l’état des sections de cette date : Parcelle A 504 ancien presbytère ruines et bâtiments - A 503 ancien presbytère courtil Les parcelles A 505 à 507, qui faisaient partie des terrains de l’ancien presbytère, sont déjà bâties en 1827 Ce presbytère, comme tous les biens de l’église, avait été confisqué en vertu du décret du 2 novembre 1789 et était devenu Bien National. Ces biens seront vendus par la suite. Le 3 messidor an 7 (21 juin 1799), il est procédé à l’expertise des mazières & maison de Lex presbitere de plougaznou (à Saint jean) L an Sept de La république française une Et indivisible ce trois messidor. Nous jean le Noan Expert duément patante nommé par arrêté de L’administration centrale du département du finistère en date du saize prerial dernier à l’effet de procéder à Lestimation des masieres des maison de L’expresbitaire de plougaznou situé au Bourg de Saint jean canton de plouezoch provenant de La cidevan fabrice du dit Saint jean. Nous Sommes en conséquence de la commission Nous donnée transportée à huit heur du matin accompagné du commissaire du directoire exécutif près L’administration municipale de plouezoch, et avons devant lui estimée les dites masieres Scavoir Un premier masiere de maison à deux étages au couchant de la cour contenant dix huit pieds sur dis huit de laize Un second masiere sur le même alignement contenant de long vingt cinq pieds Dix huit de laize Un troieme masiere au nord de la cour donnant sur le cimetière du dit Saint jean Encienement à deux étages contenant de long dix huit pieds sur dix sept de laize En fin un quatrième masiere joinnant la précédente tirent vers le levant contenant de long trente pieds de laize saize Un apanty en ruine donnant sur le même cimetière contenant de long vingt cinq pieds sur huit de Laize La cour avec mur et huisserie de pierre de taille donnant au levant sur le cimetière du dit Saint jean au midi mur en ruine avec une Grande huisserie de pierre de taille la dit cour contenant quatre cordes et tiers Le Grand jardin au couchant de La cour les murs en Ruine contenant sept cordes trois quart Dens Le quel jardin il y a aussi un masière de maison à four en ruine qui contient de long quatorze pieds de laize treize le petit jardin joinnant La précédente mure au cern contenant deux cordes les dits Deux jardin cerné au couchant et nord par terre du citoyen Kergrist de saint jean La montré des dits objets nous a été fait par françois Boubennec du dit Saint jean & avons estimé Les objets cidevant describées valeurs de mil sept cent quatre vingt dix vieux stil valoir en principal la Somme de quatre cent quatorze fran De tout ce que dessus nous avons rédigé nôtre présent procès verbal que nous affirmons sincère et véritable en notre ame et conscience à près à voir opéré pendant un jour et à le citoyen commissaire signé à vec moi. Le cinq fructidor an sept (22 août 1799), il est procédé, par l’Administration Centrale du Finistère, à l’adjudication du presbytère en ruine de Plougaznou situé au bourg de Saint Jean, canton de Plouezoch, tel qu’il est détaillé dans le procès verbal d’experts du trois messidor. La mise à prix est de huit cent vingt huit francs. Il est adjugé au Citoyen Jean Marie Saillour comme dernier enchérisseur, moyennant la somme de neuf cent francs Il est probable que Monsieur Saillour s’était porté acquéreur pour le compte de Monsieur de Kermerchou, car on retrouve ce dernier propriétaire de l’ancien presbytère, en 1823. (Monsieur Saillour devait être un fonctionnaire, car on le retrouve fréquemment secrétaire des séances du Directoire, pour le district de Morlaix, à l’occasion des ventes des biens nationaux). Le 11 mars 1823, François Louis de Kermerchou accorde en concession à domaine, à Guillaume Clech et François Colleter, une portion au bout du couchant des dépendances de l’ancien presbytère. Les preneurs pourront y construire 3 maisons. Ce sont celles qui apparaissent sur le cadastre de 1827, parcelles A 505, 506 et 507. Elles seront démolies lors de l’ouverture de la route de la plage. En 1825, à l’occasion d’un partage, il est fait état d’une maison en ruine dite le presbitaire de Plougaznou près le cimetiere de Saint jean du Doigt et y contigu le Mur donnant sur le cemitière et autres pierres en monceau. Le 20 février 1834, François Marie de Kermerchou accorde en concession à domaine, à Rolland Manach et Yves Corboliou, une portion à prendre au bout levant de la maison déjà bâtie par François Colleter. Les preneurs pourront construire 2 maisons au midi et donnant sur le cimetière. Ce sont les maisons qui existent toujours. Le 29 décembre 1867, Monsieur Désiré Dourver est domanier d’une de ces deux maisons, dont le fonds appartient à Hortense Marie de Kermerchou veuve de François Bodros, bâtie sur une partie des terres de l’ancien presbytère et jouxtant le cimetière. Le Maire de Saint Jean du Doigt adresse, à ce Monsieur Dourver, une lettre dans laquelle il lui reproche d’avoir ouvert une porte de communication dans le mur qui sépare sa propriété du cimetière, à l’endroit par lequel se faisait l’écoulement des eaux. Le seuil de la porte ayant été surélevé, les eaux sont retenues dans le cimetière. Monsieur Dourver est mis en demeure de rétablir les lieux dans leur état primitif dans un délai de 15 jours. Le 19 janvier 1868, Monsieur Dourver répond à Monsieur le Maire. Il rappelle qu’à l’endroit de cette nouvelle porte, il existait, depuis un temps immémorial, une ouverture cintrée et qu’il n’a fait que procéder au remplacement de l’ancienne porte afin de maintenir une servitude acquise à cette propriété. Monsieur Dourver se contente de promettre d’assurer l’écoulement des eaux par sa propriété. On peut encore voir, dans le cimetière de Saint Jean, cette ancienne porte condamnée, dans un encadrement en briques que Monsieur Dourver avait fait construire en remplacement de l’huisserie en pierre de taille citée dans l’expertise de l’an 7. En 1907 et 1908, tous ces bâtiments seront achetés par Jules Lapalme, chanoine de Notre Dame à Paris. En 1931, ils ont pris le nom de Ker Genovefa (Sainte Geneviève) et abritent une colonie de vacances dirigée par l’abbé Moris : Les Voltigeurs de Billancourt. Sur la photo de cette colonie, on peut voir une grande partie des bâtiments. Les petites maisons, en premier plan, seront démolies en 1937 pour permettre la construction du CVO reliant Saint Jean à Plougasnou par le bord de la mer. Les autres bâtiments sont devenus depuis des maisons d’habitation. Au début du 19ème siècle, l’ancienne trêve de Saint-Jean-du-Doigt est devenue paroisse indépendante ayant son propre recteur. Celui-ci, à défaut de presbytère habitable, trouvera à se loger par ses propres moyens. L’un d’eux, au moins, a habité un ancien manoir, proche du bourg, sur la route de la plage, autrefois appelé Font-Croix et plus récemment Dalarglas. C’est pourquoi cet ancien manoir a été appelé « Le Vieux Presbytère » ainsi qu’on le trouve dénommé dans un acte de 1925 : … projet de lotissement de terrains établi par M. et Mme Vouaux demeurant au Vieux-Presbytère en Saint-Jean-du-Doigt… Il faut attendre 1840 pour que la paroisse fasse construire une habitation pour son recteur. Le 22 février 1840, devant Me Le Bourdonnec, la promesse de vente d’un terrain de trente et un ares, au bourg de Saint-Jean-du-Doigt, est signée par MM. Tanguy Colleter et François Clech. La paroisse, qui acquiert ce bien, est représentée par son trésorier, M. Charles de Kergrist. Et lors de sa séance du 6 mai 1841, le conseil municipal de Saint-Jean-du-Doigt constate la « construction, par la fabrique, d’un presbytère non encore achevé mais dans lequel logent 2 prêtres attachés à l’église de Saint Jean ». Ce presbytère sera confisqué, par la commune, à la suite des lois de 1905. Il sera ensuite loué au prêtre qui l’occupera. Les renouvellements du bail ainsi que le montant du loyer feront l’objet de nombreuses résolutions lors de réunions du Conseil Municipal. Le dernier recteur de Saint-Jean-du-Doigt a habité ce nouveau presbytère jusqu’en 1994. N’étant plus habité, ce bâtiment a été vendu à un particulier en 1999. Eric TRISTAN Section patrimoine de l’ULAMIR-CPIE Pays de Morlaix-Trégor Sources : Archives départementales du Finistère : 245 G 22 – 245 G 37 4 E 110/3 – 4 E 110/150 – 4 E 110/176 1 Q 561 – 1 Q 123 – 1 Q 1791 Edépot Saint-Jean-du-Doigt Archives Presbytère Saint-Jean-du-Doigt |