Construction de la tour de l’église de Plougasnou.
Maîtres d’œuvre et seigneur.
Maîtres d’œuvre et seigneur.
En 1582, les paroissiens de Plougasnou décident de reconstruire la partie occidentale de leur église datant de l’époque romane.
Nous sommes dans une période faste. Les revenus sont abondants grâce aux dons des pèlerins qui affluent de plus en plus nombreux vers le sanctuaire de Saint-Jean-du-Doigt. La confrérie du Sacre vient de construire deux oratoires dans les cimetières de Plougasnou (avant 1572) et de Saint-Jean (1576-1577) ; lors de la dédicace de l’église par l’évêque de Tréguier Baptiste Le Gras (1574), une nouvelle porte est créée dans la longère sud.
Le projet du nouveau chantier est de grande envergure et les paroissiens font appel à Jean Le Taillanter, un maître architecte qui a déjà fait ses preuves dans le Trégor et le Léon.
Une inscription située sur le tympan de la porte ouest marque l’événement :
"LE . 8E . IOVR . DOCTOB(RE) 1582 / M. I. TA(I)LLA(N)TER M(AÎTRE) A(RCHITECTE) FAET . LE . FO(N)DEM(ENT) / ET EN LO(N)EVR DE DI(E)V CO(N)DVIT IVSQ(VE)S A PRE(SE)NT . 1584".
poursuivie sur la frise par les noms du prêtre et des trésoriers qui supervisent les travaux.
ESTANS P(O)VR . LORS . M. LAVRENS . TREMOIGN . P(RÊTRE). / FIA(CRE) . K(ER)AUDY . ET . FRANCOIS . GEFFROY MISEVRS P(RO)CVR(EVR)S.
Nous sommes dans une période faste. Les revenus sont abondants grâce aux dons des pèlerins qui affluent de plus en plus nombreux vers le sanctuaire de Saint-Jean-du-Doigt. La confrérie du Sacre vient de construire deux oratoires dans les cimetières de Plougasnou (avant 1572) et de Saint-Jean (1576-1577) ; lors de la dédicace de l’église par l’évêque de Tréguier Baptiste Le Gras (1574), une nouvelle porte est créée dans la longère sud.
Le projet du nouveau chantier est de grande envergure et les paroissiens font appel à Jean Le Taillanter, un maître architecte qui a déjà fait ses preuves dans le Trégor et le Léon.
Une inscription située sur le tympan de la porte ouest marque l’événement :
"LE . 8E . IOVR . DOCTOB(RE) 1582 / M. I. TA(I)LLA(N)TER M(AÎTRE) A(RCHITECTE) FAET . LE . FO(N)DEM(ENT) / ET EN LO(N)EVR DE DI(E)V CO(N)DVIT IVSQ(VE)S A PRE(SE)NT . 1584".
poursuivie sur la frise par les noms du prêtre et des trésoriers qui supervisent les travaux.
ESTANS P(O)VR . LORS . M. LAVRENS . TREMOIGN . P(RÊTRE). / FIA(CRE) . K(ER)AUDY . ET . FRANCOIS . GEFFROY MISEVRS P(RO)CVR(EVR)S.
En fait, la construction de cette tour va bien au-delà de 1584. Les comptes de fabrique signalent plusieurs dons de paroissiens pour aider à la poursuite du chantier ; ainsi Bastien Postic le 4 avril 1593 donne 5 écus à cet effet (1). D’autre part, en 1588 est achevée la première travée, côté sud, d’une nouvelle nef.
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Arrivent les guerres de la Ligue et l’occupation de la pointe de Primel par les Espagnols. Ils sont assiégés par les royaux de Pierre de Boiséon de Coëtnizan, gouverneur de Morlaix, qui transforme le clocher inachevé en tour de guet et l’église en campement pour ses troupes.
Les Espagnols quittent Primel en mai 1598. Mais il faut attendre plusieurs années afin que les ressources de la fabrique soient de nouveau suffisantes pour parachever l’œuvre. C’est encore une inscription très effacée, située dans le porche de la tour, qui nous donne la date de la fin des travaux.
LAQVELE . TOVR . A . ESTE / PARACHEVEE . LE 2 . OCTOBRE . 1612 / ESTANS . POVR . LORS . P. LE LANNOV / ET . FIA(CRE) . K(ER)LEO . MISEVRS . FIA(CRE) . LA HAYE POVR . ARCHITECTE
Le conseil de fabrique a fait appel à Fiacre de La Haye, l’architecte de référence dans le Trégor. La tour achevée, l’ambitieux programme de la reconstruction de la nef est abandonné. Les prochains travaux concerneront le porche sud en 1615-1616.
Les Espagnols quittent Primel en mai 1598. Mais il faut attendre plusieurs années afin que les ressources de la fabrique soient de nouveau suffisantes pour parachever l’œuvre. C’est encore une inscription très effacée, située dans le porche de la tour, qui nous donne la date de la fin des travaux.
LAQVELE . TOVR . A . ESTE / PARACHEVEE . LE 2 . OCTOBRE . 1612 / ESTANS . POVR . LORS . P. LE LANNOV / ET . FIA(CRE) . K(ER)LEO . MISEVRS . FIA(CRE) . LA HAYE POVR . ARCHITECTE
Le conseil de fabrique a fait appel à Fiacre de La Haye, l’architecte de référence dans le Trégor. La tour achevée, l’ambitieux programme de la reconstruction de la nef est abandonné. Les prochains travaux concerneront le porche sud en 1615-1616.
LES ARCHITECTES DE LA TOUR DE PLOUGASNOU
Jean LE TAILLANTER est connu par ailleurs pour avoir construit la tour de l'église de Ploubezre (Côtes d'Armor) en 1577, pour avoir probablement participé à l'élévation du porche de Lanhouarneau en 1580 et pour avoir remanié la porte triomphale de Saint-Jean-du-Doigt en 1584. Par comparaison, d’autres chantiers pourraient lui être attribués : la tour de l'église de Loguivy-Plougras (Côtes d'Armor) en 1566, la porte d'entrée du manoir de Guernanchanay (Côtes d'Armor), la fontaine de Saint-Ivy à Loguvy-lès-Lannion (1577), le deuxième niveau de la tour de l'église de Lampaul-Guimiliau.
Il est donc l'un des principaux architectes de la Seconde Renaissance dans la région de Morlaix. Son vocabulaire architectural, analogue à celui qui s'impose alors dans la majeure partie de l'Europe, est issu d'Italie et plus particulièrement de Rome où il puise ses racines dans l'art antique. Jean Le Taillanter a donc recours à l'emploi des ordres et à des règles de composition abstraites que l'expérience lui permet de maîtriser de mieux en mieux. Son style, hésitant dans les premières œuvres, s'affine et, tout en gardant son originalité, se rapproche des canons élaborés par les théoriciens de l'Architecture.
La tour de Plougasnou peut être considérée comme son œuvre maîtresse. Un des problèmes techniques posé par un clocher consiste dans le guindage des cloches en leur lieu. La présence d'une voûte en berceau reliant les massifs en empêchait ici le treuillage au travers du volume intérieur de la tour. Pour pallier l'inconvénient, Jean Le Taillanter crée au troisième niveau, une ouverture au-dessus de la voûte. Cette ouverture, au profil caractéristique présente, sous un arc en plein cintre, des jambages obliques calculés selon le gabarit des cloches. Et pour faciliter une manœuvre toujours délicate, l'architecte installe une galerie entre contrefort et cage d'escalier devant la baie aux jambages obliques. Sans doute pensa-t-il que ce dispositif en appelait de semblables pour les autres niveaux. Ainsi la façade Sud de la tour présente une succession de balcons, desservis par l'escalier ou par l'intérieur, donnant à l'élévation de ce côté une allure proprement théâtrale (2).
Il est donc l'un des principaux architectes de la Seconde Renaissance dans la région de Morlaix. Son vocabulaire architectural, analogue à celui qui s'impose alors dans la majeure partie de l'Europe, est issu d'Italie et plus particulièrement de Rome où il puise ses racines dans l'art antique. Jean Le Taillanter a donc recours à l'emploi des ordres et à des règles de composition abstraites que l'expérience lui permet de maîtriser de mieux en mieux. Son style, hésitant dans les premières œuvres, s'affine et, tout en gardant son originalité, se rapproche des canons élaborés par les théoriciens de l'Architecture.
La tour de Plougasnou peut être considérée comme son œuvre maîtresse. Un des problèmes techniques posé par un clocher consiste dans le guindage des cloches en leur lieu. La présence d'une voûte en berceau reliant les massifs en empêchait ici le treuillage au travers du volume intérieur de la tour. Pour pallier l'inconvénient, Jean Le Taillanter crée au troisième niveau, une ouverture au-dessus de la voûte. Cette ouverture, au profil caractéristique présente, sous un arc en plein cintre, des jambages obliques calculés selon le gabarit des cloches. Et pour faciliter une manœuvre toujours délicate, l'architecte installe une galerie entre contrefort et cage d'escalier devant la baie aux jambages obliques. Sans doute pensa-t-il que ce dispositif en appelait de semblables pour les autres niveaux. Ainsi la façade Sud de la tour présente une succession de balcons, desservis par l'escalier ou par l'intérieur, donnant à l'élévation de ce côté une allure proprement théâtrale (2).
À la fin des guerres de la Ligue, Fiacre de LA HAYE devient l'architecte de référence dans la région de Morlaix. Dès 1598, il est signalé à Notre-Dame du Mur, où il travaille du 6 juin au 31 décembre avec Guy Larhantec, Yvon Tanguy, Hervé Le Corvez et Guillaume Auffroy, tailleurs de pierre. Le 23 février 1601, avec Jean Le Bricquir et Yves Salaün, il dirige une expertise à Saint-Mathieu de Morlaix, puis y travaille pendant 5 jours. Le 3 mai 1601, il se charge de la formation des ouvriers pour réaliser la taille des pierres du dôme du clocher. La longue interruption de la guerre a dispersé les artisans vers d’autres territoires et empêcher, semble-t-il, la transmission des savoirs.
De 1602 à 1608 Fiacre de La Haye dirige la reconstruction de la partie orientale de Saint-Miliau de Ploumiliau. Il signe ce chantier par une inscription sur le chevet : LE 13e JOUR DE MAY / 1602 FIACRE LA HAYE / ET I LE COZ OUNT FAICT / CET PIGNON AU NOUM DE DIEV / ET MONSIEVR St MILLIEOV .
On le retrouve donc en 1612 à Saint-Pierre de Plougasnou comme nous le révèle l’inscription citée plus haut.
Il pourrait être l'auteur d'autres constructions : l’achèvement de la tour de Saint-Emilion de Loguivy-Plougras, la chapelle Saint-Thégonnec de Guerlesquin, le beffroi de l’église de Pleyber-Christ (1603) par exemple.
En 1611, l'oratoire Notre-Dame de Loreto à Plougasnou est construit à la demande de Jeanne de Keredan, dame douarière de Kerastan. Fiacre de La Haye, présent à cette époque sur la tour de l'église paroissiale pourrait avoir donné plans et devis de cet édifice très original.
De 1602 à 1608 Fiacre de La Haye dirige la reconstruction de la partie orientale de Saint-Miliau de Ploumiliau. Il signe ce chantier par une inscription sur le chevet : LE 13e JOUR DE MAY / 1602 FIACRE LA HAYE / ET I LE COZ OUNT FAICT / CET PIGNON AU NOUM DE DIEV / ET MONSIEVR St MILLIEOV .
On le retrouve donc en 1612 à Saint-Pierre de Plougasnou comme nous le révèle l’inscription citée plus haut.
Il pourrait être l'auteur d'autres constructions : l’achèvement de la tour de Saint-Emilion de Loguivy-Plougras, la chapelle Saint-Thégonnec de Guerlesquin, le beffroi de l’église de Pleyber-Christ (1603) par exemple.
En 1611, l'oratoire Notre-Dame de Loreto à Plougasnou est construit à la demande de Jeanne de Keredan, dame douarière de Kerastan. Fiacre de La Haye, présent à cette époque sur la tour de l'église paroissiale pourrait avoir donné plans et devis de cet édifice très original.
LE SEIGNEUR DE BODISTER-PLOUGASNOU
Les armes du seigneur de Plougasnou sont apposées sur la nouvelle tour.
A cette époque, le seigneur de Plougasnou est Guy de Scépeaux, comte de Chemillé. Par représentation de Louise de la Haye, sa bisaïeule, il est l’héritier de Philippe de Montespedon, décédée en 1578, princesse de la Roche-sur-Yon, seigneur, entre autres, de Plougasnou-Bodister. Guy de Scépeaux est un personnage important. Sa famille, d'ancienne chevalerie, très nombreuse et disséminée dans le Maine et l'Anjou, est originaire de la paroisse d’Astillé, dans le comté de Laval. Il est marié à Marie de Rieux. En 1579 il préside à Nantes les États de Bretagne. Il meurt en 1605, huit ans après son héritier, un autre Guy, tué en Poitou au service du roi. |
Armes des Scépeaux : vairé d'argent et de gueules.
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Il est peu probable que ce seigneur soit venu à Plougasnou. Occupé par ailleurs, il jouit des bénéfices de ses nombreux fiefs. Dans l'aveu du 12 novembre 1585 fait à la seigneurie de Plougasnou, par Yvon Cazoulat, fabrique de Plougasnou, Guy de Scépeaux est dénommé ainsi : à Guy Despeaux, seigneur Despeaux comte de Chemillé baron des baronnyes pairies et seigneuries de Mortagne Mauron (Mausson) Bouche docyure (Bouche d'Usure) Beaumont Beaumanoir Boischarnot la Haridouaye (La Hardinouaye) Madrigant (Merdrignac) Saint Lamant Bain Vourmenay le Pougant Runfau Bodister et Ploigaznou, chevalier de l'ordre du Roy, gentilhomme de sa chambre (3).
Il prend soin néanmoins de gérer ses biens. Ainsi, par lettres patentes données à Saint-Maur-des Fossés en juin 1586 et obtenues grâce à l'intervention de Guy de Scépeaux, deux foires et un marché sont créés à Saint-Jean-du-Doigt. Pour cela, les marguilliers doivent payer une gratification ou un pot de vin de 100 livres au sieur de La Combe, secrétaire de Guy de Scépeaux (4).
Sa petite fille, Jeanne de Scépeaux, dame de Beaupréau et épouse d’Henri de Gondi, duc de Retz, hérite de la seigneurie en 1620 après le décès de sa mère. En 1638, la famille de Gondi vend la seigneurie de Bodister-Plougasnou à Vincent du Parc, marquis de Guerrand, brillant militaire qui devient dans la première moitié du XVIIe siècle l’un des plus grands seigneurs de la région.
Il prend soin néanmoins de gérer ses biens. Ainsi, par lettres patentes données à Saint-Maur-des Fossés en juin 1586 et obtenues grâce à l'intervention de Guy de Scépeaux, deux foires et un marché sont créés à Saint-Jean-du-Doigt. Pour cela, les marguilliers doivent payer une gratification ou un pot de vin de 100 livres au sieur de La Combe, secrétaire de Guy de Scépeaux (4).
Sa petite fille, Jeanne de Scépeaux, dame de Beaupréau et épouse d’Henri de Gondi, duc de Retz, hérite de la seigneurie en 1620 après le décès de sa mère. En 1638, la famille de Gondi vend la seigneurie de Bodister-Plougasnou à Vincent du Parc, marquis de Guerrand, brillant militaire qui devient dans la première moitié du XVIIe siècle l’un des plus grands seigneurs de la région.
Plougasnou, église. Partie supérieure de la baie sud - arch. Jean Le Taillanter
Christian MILLET
1 … Et oultre pour sa devotion en faveur de ceste et ayder a continuer la construction de ladicte tour sur ladicte eglise ledict bastien postic audict nom a paye et sela presentement devant nous auxdits jehan nicolas et françois carn esdicts noms acceptant et a ladicte fin la somme de cinq escuz sol … Arch. départ. du Finistère 185 G 5
2 - MILLET Christian, CASTEL Yves Pascal, HUON Michel – Jean Le Taillanter, architecte de la Renaissance- Bulletin de la Soc. Archéol. du Finistère, Quimper, 1996.
3 - Arch. dép. du Finistère 185 G 47
4 - Arch. dép. du Finistère 185 G 52
1 … Et oultre pour sa devotion en faveur de ceste et ayder a continuer la construction de ladicte tour sur ladicte eglise ledict bastien postic audict nom a paye et sela presentement devant nous auxdits jehan nicolas et françois carn esdicts noms acceptant et a ladicte fin la somme de cinq escuz sol … Arch. départ. du Finistère 185 G 5
2 - MILLET Christian, CASTEL Yves Pascal, HUON Michel – Jean Le Taillanter, architecte de la Renaissance- Bulletin de la Soc. Archéol. du Finistère, Quimper, 1996.
3 - Arch. dép. du Finistère 185 G 47
4 - Arch. dép. du Finistère 185 G 52
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