La révolte des Bonnets Rouges … ou des Bonnets Violets
LA CRISE AGRAIRE
En 1675, la Bretagne, florissante auparavant, connait depuis quelques années, de sérieuses difficultés économiques et subit une dégradation des ressources agraires. Pour pallier à leur baisse de revenus, les propriétaires fonciers, le plus souvent des nobles, augmentent le prix des redevances des terres et de l’équivalent en argent des corvées. Lors de la révolte des « Bonnets Rouges », l’une des principales requêtes du « code paysan » établi par quatorze paroisses du Porzay et du pays Glazik porte sur ce point précis perçu comme intolérable : « Les droits de champart et de corvée, prétendus par lesdits gentilshommes, seront abolis comme violation de la liberté armorique » (article 4). Il est intéressant de noter que la géographie des troubles et leur intensité correspond à celle des terres tenues en domaine congéable, les plus virulents correspondant aux « usements » les moins favorables en basse Cornouaille et en Poher. DE NOUVEAUX IMPÔTS. LA RÉVOLTE DU « PAPIER TIMBRÉ ». Début 1675, sans consulter les États de Bretagne, le roi impose de nouvelles taxes, la première sur le papier timbré à 1 sol la feuille, la deuxième sur le monopole du tabac à 20 sols la livre et la troisième sur la vaisselle d’étain. Ces nouvelles recettes sont nécessaires à financer la guerre de Hollande (1672-1678) qui se prolonge et la construction du château de Versailles. Cette concordance de nouvelles taxes royales et d’augmentation des redevances seigneuriales donne au paysan une impression d’acharnement sur son sort. D’autre part, la Bretagne est un pays d’État, c’est-à-dire un pays ayant conservé ses états provinciaux qui négocient avec les intendants royaux les impôts et décident de leur répartition par évêchés et paroisses. Le non-respect de cette règle, « la liberté armorique », réveille un sentiment nationaliste. En avril 1675, des émeutes éclatent à Saint-Malo, Lamballe, Guingamp, Nantes, Rennes (le 18). C’est le début de la révolte du « Papier Timbré ». Le 2 mai, un nouveau gouverneur, Charles d’Ailly, duc de Chaulnes, arrive en Bretagne qui, dans un premier temps, ne peut endiguer le mouvement soit par stratégie soit par manque de moyens. LA RÉVOLTE DES « BONNETS ROUGES ». L’effervescence gagne les campagnes et plus particulièrement la basse Bretagne. C’est la « Révolte des Bonnets Rouges », de la couleur du couvre-chef des Cornouaillais. On s’insurge contre les nouvelles taxes, réelles (sur le tabac, par exemple) ou imaginaires (l’instauration de la gabelle sur le sel). Plusieurs maisons et manoirs sont pris d’assaut et brulés. En juin, les paroissiens du Porzay et du pays glazik établissent un code paysan montrant une volonté d’organisation politique. La révolte s’étend dans l’évêché de Vannes (Auray, Hennebont, Pontivy, duché de Rohan), dans celui de Quimper (Cornouaille, Châteaulin, Carhaix et Poher), dans l’évêché de Tréguier (pays de Morlaix, Lannion et Guingamp) et partiellement dans celui de Léon. Elle durera jusqu’à la mort du chef des révoltés du Poher, Sébastien Le Balp, tué au château du Tymeur à Poullaouen le 3 septembre. LA RÉPRESSION La répression va être féroce comme on savait si bien le faire à cette époque. Elle est aussi à double tranchant. Le 16 juillet le duc de Chaulnes reçoit un renfort de 6000 hommes commandé par le bailli de Forbin, provençal, capitaine-lieutenant de la première compagnie de mousquetaires du roi et lieutenant général des armées. Fin août les troupes sont à Quimper, du 4 au 18 septembre à Carhaix, du 20 au 24 septembre à Morlaix et le 12 octobre elles rentrent à Rennes. Deux lettres, datées du 24 septembre, précisent la dureté de la répression : « Les paysans ont été bien punis de leur rébellion ; ils sont maintenant souples comme un gant ; on a pendu et roué une quantité » (lettre d'une dame de l'évêché de Tréguier, sœur de M. de Carnavalet). « Nos pauvres bas-bretons, à ce qu'on vient d'apprendre, s'attroupent quarante, cinquante par les champs, et dès qu'ils voient les soldats, ils se jettent à genoux et disent mea culpa…On ne laisse pas de pendre ces pauvres bas-Bretons ; ils demandent à boire et du tabac et qu'on les dépêche, et de Caron pas un mot ». (lettre de Mme de Sévigné à Mme de Grignan). Le 6 novembre, débute le retrait des troupes du bailli de Forbin, rappelées en Flandres. Les bretons sont soulagés et envoie une ambassade à Versailles le 12 novembre pour demander une amnistie. La réponse est celle de la « Monarchie Absolue » qui expédie, sous le commandement de M. de Pommereu, une nouvelle troupe de 10 000 hommes, soudards vivant sur le pays. Madame de Sévigné s’en offense ; il est vrai que ces soldats stationnent aussi près de chez elle. « Il y a dix à douze mille hommes de guerre qui vivent comme s’ils étaient encore au-delà du Rhin » (lettre du 20 décembre) – « Pour nos soldats, ils s’amusent à voler ; ils mirent l’autre jour un petit enfant à la broche » (lettre du 5 janvier). Le 5 février l’amnistie est enfin accordée « aux séditieux de la province de Bretagne ». Et le 1er mars, les troupes royales partent pour le Rhin vers une nouvelle campagne. |
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PLOUGASNOU ET LA RÉVOLTE DES « BONNETS ROUGES ».
Que s’est-il passé à Plougasnou durant cette période troublée ?
Les archives sont rares. Néanmoins quelques données montrent que notre commune n’a pas été épargnée par la révolte. Elle y a participé.
Mais ici c’était plutôt la révolte de bonnets violets, si l’on se réfère à ce qu’écrit Jean-Baptiste Babin en 1663. « Les peuples de ces trois eveschez […] affectent de se distinguer par des couleurs qui sont particulieres a chaque evesché. Ceux de Cornouaille ont leurs petites casaques, leurs bas et leurs bonnets rouges ; ceux de Leon s’habillent de bleu et ceux de Tréguier portent ordinairement le violet ».
Le 15 septembre 1675, le duc de Chaulnes donne l’ordre de désarmer les paroisses de l'évêché de Tréguier ; armes et cloches pour les paroisses qui ont sonné le tocsin, doivent être rendues.
Au-dessus de cet ordre est écrit : « Monsieur le Duc m'a donné l'ordre d'avertir les habitans des paroisses de se saisir des plus mutins et de ceux qui ont paru les plus portés à la révolte, et, en cas d'impossibilité, de m'en donner les noms » signé Du Cludon (vraisemblablement Jacques Claude Kergolay du Cludon en Plougonver).
Que s’est-il passé à Plougasnou durant cette période troublée ?
Les archives sont rares. Néanmoins quelques données montrent que notre commune n’a pas été épargnée par la révolte. Elle y a participé.
Mais ici c’était plutôt la révolte de bonnets violets, si l’on se réfère à ce qu’écrit Jean-Baptiste Babin en 1663. « Les peuples de ces trois eveschez […] affectent de se distinguer par des couleurs qui sont particulieres a chaque evesché. Ceux de Cornouaille ont leurs petites casaques, leurs bas et leurs bonnets rouges ; ceux de Leon s’habillent de bleu et ceux de Tréguier portent ordinairement le violet ».
Le 15 septembre 1675, le duc de Chaulnes donne l’ordre de désarmer les paroisses de l'évêché de Tréguier ; armes et cloches pour les paroisses qui ont sonné le tocsin, doivent être rendues.
Au-dessus de cet ordre est écrit : « Monsieur le Duc m'a donné l'ordre d'avertir les habitans des paroisses de se saisir des plus mutins et de ceux qui ont paru les plus portés à la révolte, et, en cas d'impossibilité, de m'en donner les noms » signé Du Cludon (vraisemblablement Jacques Claude Kergolay du Cludon en Plougonver).
Entre le 20 et le 24 septembre, le recteur de Plougasnou, le curé de Saint-Jean-du-Doigt et deux notaires vont demander au duc de Chaulnes la sauvegarde requise de la paroisse. Il semble qu’il y ait eu à suivre un canevas comme le suggère cet extrait des comptes de fabrique.
« Et pour la despense de deux nores de plougaznou deputes / ensemble avec le sr recteur et curé de St Jan pour aller / à Morlaix ou ils furent deux jours pour rediger / la requeste qu’il fallait presenter audict Seigneur / le duc de Chaulnes au nom du général des parroissiens / pour demander la sauvegarde requise, les fabriques / comptables ont poyé la somme de neuff livres et pour ce 9£ »
Le 2 novembre 1675, une sentence prévôtale condamne Messire Jean LESNE, prêtre de Plougasnou à un bannissement perpétuel pour avoir été chef de la révolution du « Papier Timbré ». (arrêté signalé par Louis Le Guennec)
Le 5 février 1676 – Le roi octroie une amnistie générale.
Pas pour tous. Fiacre TROUADEC de Plougasnou en est exclu de même que d’autres trégorrois, entre autres Gabriel CORVEZ de Plouégat-Guerrand et Jacques et Yves GARIOU de Plestin. Ils finiront probablement leurs vies aux galères.
De plus, les comptes de fabrique de Plougasnou datés des années 1675-1676, signalent une forme de résistance passive lors du passage à Morlaix des troupes royales :
« Demandent descharges de la somme de six livres / qu’ils ont poyé aux nommes Le Theau et Dean
bouchers pour avoir este trois journees a chercher / et choisir par la paroesse le nombre de brebis qu’il / a convenu aux parroissiens de Plougaznou fournir / et vendre a Morlaix pour la subsistance des troupes / de monsr le duc de Chaulnes / et pour les frais de pareille despense qu’il a fallu faire / pour nourrir quatre personnes qui ont esté rendre / lesdictes brebis en la ville de Morlaix et qui y ont / eté occupes deux jours et d’advantage pour y faire / passer et recepvoir lesdictes brebis qui n’agreoient pas / aux bouchers de Morlaix et les voulurent rejeter / pour la plus grande partie ne les trouvant pas assez / grasses, jusques a leur avoir un peu graissé les / mains et donné la piece dargent outre la collation, lesditz comptables ont frayé et employé la somme / de dix livres cinq solz cy 10£ 5s »
Autres temps, autres mœurs ! non pas dans la condamnation des dessous de table mais dans leur aveu dûment répertorié et enregistré. D’autre part, il apparaît dans ce texte que les paroissiens n’ont pas souhaité fournir leurs meilleures bêtes à une troupe qui les réprimait.
Christian MILLET, séance de la section Patrimoine de Plougasnou du 10 janvier 2009. Complément du 31 décembre 2013.
Sources :
E.S.B., Les Bonnets rouges, les Historiens et l’Histoire – Arthur de LA BORDERIE, La Révolte du Papier Timbré advenue en 1675 – Boris PORCHNEV, Les buts et les revendications des paysans lors de la révolte bretonne de 1675. – 10/18, Union générale d’éditions, Paris, 1975. Michel NASSIET, Qui étaient LES BONNETS ROUGES ? Les révoltes bretonnes de 1675.- Skol Vreizh 2013.
« Et pour la despense de deux nores de plougaznou deputes / ensemble avec le sr recteur et curé de St Jan pour aller / à Morlaix ou ils furent deux jours pour rediger / la requeste qu’il fallait presenter audict Seigneur / le duc de Chaulnes au nom du général des parroissiens / pour demander la sauvegarde requise, les fabriques / comptables ont poyé la somme de neuff livres et pour ce 9£ »
Le 2 novembre 1675, une sentence prévôtale condamne Messire Jean LESNE, prêtre de Plougasnou à un bannissement perpétuel pour avoir été chef de la révolution du « Papier Timbré ». (arrêté signalé par Louis Le Guennec)
Le 5 février 1676 – Le roi octroie une amnistie générale.
Pas pour tous. Fiacre TROUADEC de Plougasnou en est exclu de même que d’autres trégorrois, entre autres Gabriel CORVEZ de Plouégat-Guerrand et Jacques et Yves GARIOU de Plestin. Ils finiront probablement leurs vies aux galères.
De plus, les comptes de fabrique de Plougasnou datés des années 1675-1676, signalent une forme de résistance passive lors du passage à Morlaix des troupes royales :
« Demandent descharges de la somme de six livres / qu’ils ont poyé aux nommes Le Theau et Dean
bouchers pour avoir este trois journees a chercher / et choisir par la paroesse le nombre de brebis qu’il / a convenu aux parroissiens de Plougaznou fournir / et vendre a Morlaix pour la subsistance des troupes / de monsr le duc de Chaulnes / et pour les frais de pareille despense qu’il a fallu faire / pour nourrir quatre personnes qui ont esté rendre / lesdictes brebis en la ville de Morlaix et qui y ont / eté occupes deux jours et d’advantage pour y faire / passer et recepvoir lesdictes brebis qui n’agreoient pas / aux bouchers de Morlaix et les voulurent rejeter / pour la plus grande partie ne les trouvant pas assez / grasses, jusques a leur avoir un peu graissé les / mains et donné la piece dargent outre la collation, lesditz comptables ont frayé et employé la somme / de dix livres cinq solz cy 10£ 5s »
Autres temps, autres mœurs ! non pas dans la condamnation des dessous de table mais dans leur aveu dûment répertorié et enregistré. D’autre part, il apparaît dans ce texte que les paroissiens n’ont pas souhaité fournir leurs meilleures bêtes à une troupe qui les réprimait.
Christian MILLET, séance de la section Patrimoine de Plougasnou du 10 janvier 2009. Complément du 31 décembre 2013.
Sources :
E.S.B., Les Bonnets rouges, les Historiens et l’Histoire – Arthur de LA BORDERIE, La Révolte du Papier Timbré advenue en 1675 – Boris PORCHNEV, Les buts et les revendications des paysans lors de la révolte bretonne de 1675. – 10/18, Union générale d’éditions, Paris, 1975. Michel NASSIET, Qui étaient LES BONNETS ROUGES ? Les révoltes bretonnes de 1675.- Skol Vreizh 2013.