Naufrage du navire corsaire granvillais « La Nymphe » au large de la pointe de Primel.
En 1747, l’Europe est en guerre. L’Autriche, alliée à l’Angleterre et à la Hollande, affronte la Prusse alliée à la France dans un conflit nommé la Guerre de la Succession d’Autriche (1740-1758). Sur mer, la stratégie privilégiée des Français est la guerre de course contre les navires anglais et hollandais. Dans la Manche, les corsaires bretons de Brest, de Morlaix et de Saint-Malo sont très actifs ; les normands de Granville également, la course étant à cette époque une des branches de leur industrie maritime au même titre que l’armement morutier et baleinier.
Le 16 novembre, l’un de ces corsaires granvillais, la Nymphe, est proche des Sept-Îles lorsqu’il aperçoit des vaisseaux de guerre anglais. Voulant les éviter et faisant confiance à son pilote, il se rapproche de la côte mais, à marée basse, il s’échoue sur les redoutables rochers du plateau des Trépieds au large de la pointe de Primel. Le navire est perdu et sur les 71 hommes d’équipage, 21 trouveront la mort 1.
L’ancre de la Nymphe est toujours visible coincée entre les roches ; point du SHOM : 48°45’5183N, et 3° 50’3867W (Euro 50) 2.
________________________________________________________________________________________________________________
1 La même année, le 24 décembre, le corsaire de Saint-Malo, l’Alcide, fera naufrage au nord-ouest du château du Taureau. 114 marins périront.
2 Bernard Foucault. Les Trésors engloutis de Bretagne. De l’île Vierge à Bréhat – Éditions Cristel, Saint-Malo 2008 p. 136.
Le 16 novembre, l’un de ces corsaires granvillais, la Nymphe, est proche des Sept-Îles lorsqu’il aperçoit des vaisseaux de guerre anglais. Voulant les éviter et faisant confiance à son pilote, il se rapproche de la côte mais, à marée basse, il s’échoue sur les redoutables rochers du plateau des Trépieds au large de la pointe de Primel. Le navire est perdu et sur les 71 hommes d’équipage, 21 trouveront la mort 1.
L’ancre de la Nymphe est toujours visible coincée entre les roches ; point du SHOM : 48°45’5183N, et 3° 50’3867W (Euro 50) 2.
________________________________________________________________________________________________________________
1 La même année, le 24 décembre, le corsaire de Saint-Malo, l’Alcide, fera naufrage au nord-ouest du château du Taureau. 114 marins périront.
2 Bernard Foucault. Les Trésors engloutis de Bretagne. De l’île Vierge à Bréhat – Éditions Cristel, Saint-Malo 2008 p. 136.
Canon de l'Alcide, navire corsaire de Saint-Malo, naufragé en décembre 1747 ; musée maritime de Carantec.
Ci-dessous, nous reprenons la reconstitution du drame que Michel Aumont1, docteur en histoire et président de la Société française d'histoire maritime, a réalisée à partir du fonds de l’Amirauté de Morlaix (Archives départementales du Finistère Brest, B 4193, f° 53-55).
1 Michel Aumont. Les Corsaires de Granville. Une culture du risque maritime 1688-1815 - P.U. Rennes, 2013
1 Michel Aumont. Les Corsaires de Granville. Une culture du risque maritime 1688-1815 - P.U. Rennes, 2013
La Nymphe « est une petite frégate de 85 tx. Armée en course le 3 juillet 1747 par François Boisnard, dit le jeune, avec 10 canons de quatre livres de balle, 16 pierriers, 60 fusils et 24 sabres pour un équipage de 100 personnes, elle sort du port sous le commandement de Nicolas Fougeray, revenu des prisons d’Angleterre. En août, elle s’empare de trois navires, mais ceux-ci sont vite repris par les Anglais. Elle doit vite relâcher, car son capitaine est malade. Le 1er octobre, il est débarqué et remplacé par Julien Deshayes, tout juste revenu des prisons anglaises. Reparti en mer, le corsaire rançonne un petit bâtiment anglais, s’empare de deux autres navires avant de relâcher une nouvelle fois, à Saint-Malo. Sorti du port, la veille au soir, il navigue le 16 novembre par le travers des Sept Iles, lorsqu’il aperçoit trois vaisseaux de guerre anglais au large. Il faut les éviter ! Après avoir consulté l’équipage, le capitaine décide de faire confiance à Nicolas Le Cerclé, un pilote côtier granvillais qui assure connaître suffisamment bien la côte pour pouvoir mener sans risque la frégate à travers les rochers. L’on choisit donc de longer la côte, en laissant l’archipel sur son tribord, pour mettre les écueils entre les vaisseaux de guerre et le corsaire. Vers 19 heures, tandis que Julien Deshayes prend son repas, on lui annonce un navire en vue, sous le vent. Le capitaine s’inquiète de la situation auprès du pilote. « Reconnaissez-vous les rochers ? Prenez garde au danger avant de nous trop engager et si vous n’êtes pas sûr de nous en retirer, il vaut mieux aller mouiller sous Sainte-barbe; ou même mouillons plutôt ici ; la mer est belle et il ne vente pas. » Le pilote le rassure, car il connaît parfaitement l’endroit, et lui conseille de finir tranquillement son souper. Malheureusement, c’est marée descendante, et vers vingt heures, comme il descend l’escalier qui mène à sa chambre, le malheureux capitaine sent son navire toucher et monter soudainement sur un rocher.
« À l’instant l’alarme est à bord. Tout le monde crie, Miséricorde. La plupart de l’équipage perd la tête et ne pense qu’au moment si proche d’une fin cruelle et d’une mort tragique. Un petit nombre seulement entend encore la voix du capitaine et exécute, mais comme des frénétiques, les ordres qu’il donne. La chaloupe est mise à la mer pour aller à terre chercher du secours, il n’y avait qu’un seul aviron. 30 ou 40 hommes s’y jetèrent à corps perdu, mais voyant que la chaloupe s’enfonçait sous eux, il n’y resta que 18 hommes, le surplus se rembarqua sur le navire. Aussitôt pour alléger le navire, on jette 6 canons et 8 pierriers à la mer, on coupe les cordages, on abat les mâts. Les uns travaillent à les relier avec les vergues pour en faire deux radeaux, les autres illuminent le navire pour le faire remarquer, pendant qu’on fait tirer de distance en distance une trentaine de coups de canons (seul reste de leur poudre) pour appeler du secours. Vers les 11 heures, le navire manquant d’eau, vint tout à coup à s’abattre sur tribord. Tout le monde se jette sur les radeaux ; le sieur Jacques Butaut second capitaine avec 11 hommes sur un, et le sieur Deshayes, lui 39e, sur l’autre et tous les animaux du bord, moutons, cochons et volaille à leur suite. »
C’est la panique. Le pilote reste à bord, à l’endroit le plus élevé du navire, mais voyant que l’eau le gagne, il saute à son tour dans l’eau et vient à la nage s’accrocher au bout d’une des vergues du radeau où se trouve le capitaine Deshayes, occupé à le délivrer des cordages qui le retiennent encore au navire. Les deux radeaux dérivent alors au gré des vents et des flots, puis se perdent de vue. Sur celui du capitaine, la situation devient désespérée : « Chacun travaille à se tenir à l’objet qui le soutient ; il le saisit. Il l’embrasse et tantôt dessus et tant dessous, il reçoit à tout moment des abordages par les mouvements et le roulis des pièces dont étaient composés ces radeaux. Ils étaient tous dans l’eau debout jusques aux aisselles et sont restés dans cet état, roulant, plongeant et gelant de froid jusqu’à 5 heures et demie du matin, l’un criant miséricorde, l’autre demandant pardon à Dieu, un autre disant : Je n’en puis plus, je me meurs. Les forces lui manquent. Il quitte prise et disparaît sans qu’on puisse le sauver. Le sieur Blanche, neveu du capitaine, et huit autres de son radeau périrent de même, depuis une heure du matin jusqu’à 5. Sur les 5 heures et demie, arrivèrent deux bateaux de Primel, dépêchés par les 18 hommes du corsaire qui y avaient atterri ; ils sauvèrent le sieur Deshayes avec les 31 hommes qui lui étaient restés. À l’égard du radeau du second capitaine, on ne le vit point et il y a toute apparence que lui et ses 11 hommes ont péri. Ces deux bateaux menèrent donc le sieur Deshayes et son monde à la pointe de Primel où ils débarquèrent et d’où ils sont venus en cette ville, sans n’avoir pu rien sauver avec eux. »
…Sur les 71 hommes qui composaient l’équipage au moment du naufrage, 21 d’entre eux y ont trouvé la mort ».
« À l’instant l’alarme est à bord. Tout le monde crie, Miséricorde. La plupart de l’équipage perd la tête et ne pense qu’au moment si proche d’une fin cruelle et d’une mort tragique. Un petit nombre seulement entend encore la voix du capitaine et exécute, mais comme des frénétiques, les ordres qu’il donne. La chaloupe est mise à la mer pour aller à terre chercher du secours, il n’y avait qu’un seul aviron. 30 ou 40 hommes s’y jetèrent à corps perdu, mais voyant que la chaloupe s’enfonçait sous eux, il n’y resta que 18 hommes, le surplus se rembarqua sur le navire. Aussitôt pour alléger le navire, on jette 6 canons et 8 pierriers à la mer, on coupe les cordages, on abat les mâts. Les uns travaillent à les relier avec les vergues pour en faire deux radeaux, les autres illuminent le navire pour le faire remarquer, pendant qu’on fait tirer de distance en distance une trentaine de coups de canons (seul reste de leur poudre) pour appeler du secours. Vers les 11 heures, le navire manquant d’eau, vint tout à coup à s’abattre sur tribord. Tout le monde se jette sur les radeaux ; le sieur Jacques Butaut second capitaine avec 11 hommes sur un, et le sieur Deshayes, lui 39e, sur l’autre et tous les animaux du bord, moutons, cochons et volaille à leur suite. »
C’est la panique. Le pilote reste à bord, à l’endroit le plus élevé du navire, mais voyant que l’eau le gagne, il saute à son tour dans l’eau et vient à la nage s’accrocher au bout d’une des vergues du radeau où se trouve le capitaine Deshayes, occupé à le délivrer des cordages qui le retiennent encore au navire. Les deux radeaux dérivent alors au gré des vents et des flots, puis se perdent de vue. Sur celui du capitaine, la situation devient désespérée : « Chacun travaille à se tenir à l’objet qui le soutient ; il le saisit. Il l’embrasse et tantôt dessus et tant dessous, il reçoit à tout moment des abordages par les mouvements et le roulis des pièces dont étaient composés ces radeaux. Ils étaient tous dans l’eau debout jusques aux aisselles et sont restés dans cet état, roulant, plongeant et gelant de froid jusqu’à 5 heures et demie du matin, l’un criant miséricorde, l’autre demandant pardon à Dieu, un autre disant : Je n’en puis plus, je me meurs. Les forces lui manquent. Il quitte prise et disparaît sans qu’on puisse le sauver. Le sieur Blanche, neveu du capitaine, et huit autres de son radeau périrent de même, depuis une heure du matin jusqu’à 5. Sur les 5 heures et demie, arrivèrent deux bateaux de Primel, dépêchés par les 18 hommes du corsaire qui y avaient atterri ; ils sauvèrent le sieur Deshayes avec les 31 hommes qui lui étaient restés. À l’égard du radeau du second capitaine, on ne le vit point et il y a toute apparence que lui et ses 11 hommes ont péri. Ces deux bateaux menèrent donc le sieur Deshayes et son monde à la pointe de Primel où ils débarquèrent et d’où ils sont venus en cette ville, sans n’avoir pu rien sauver avec eux. »
…Sur les 71 hommes qui composaient l’équipage au moment du naufrage, 21 d’entre eux y ont trouvé la mort ».
En annexe ci-dessous : le texte original, transcrit par Jean Deunff, dans l’orthographe moderne tout en conservant les tournures de l’époque (bulletin paroissial de Locquirec, octobre 1983).
Christian MILLET, Michel AUMONT, Jean DEUNFF