La section du patrimoine du foyer rural de Plougasnou a publié en 2001
un ouvrage de Jean Legros « Plougasnou de l’occupation à la
libération ». Il y aborde la libération de notre commune du 5 au 9 août
1944 (pp. 108-115). Cette édition est épuisée.
Maryvonne Moal, membre du patrimoine de Plougasnou et présidente des
amis de la fondation pour la mémoire de la Déportation (et de la Résistance) du
Finistère a bien voulu pour notre association
rappeler en l’actualisant les principales phases de cette libération.
D’autre part la famille du docteur Melou, que nous remercions, nous a confié le rapport daté du 15 aout 1944, rédigé par le docteur et son confrère Marcel Le Roux, rendant compte des faits qui se sont déroulés à Plougasnou le 8 août 1944. Nous le publions après l’article de Maryvonne Moal.
coll. Patrimoine de Plougasnou (fonds Jean Quinquis)
Samedi 5 août 1944
Départ des troupes allemandes de Plougasnou. Les occupants quittent leurs camps de Trégastel et Ruffélic à pied, suivis de véhicules dans lesquels se trouvent les officiers. Ils font sauter les munitions avant de quitter le camp.
Après leur départ, la population est en liesse. Le drapeau français flotte au sommet du clocher.Cette joie est brève. En fin d'après-midi, deux voitures allemandes font leur apparition. Elles se dirigent vers Ruffelic, reviennent rapidement, repassent devant l'église. Les soldats allemands tirent sur le drapeau français, il tombe au sol.
Dimanche 6 août 1944
Après le départ des allemands, un groupe de résistants FFI d'environ 80 hommes, sous les ordres du lieutenant Hubert Pinaton, arrive à Plougasnou. Quelques soldats allemands sont encore dans une redoute à Primel. Monsieur Dulas tente de négocier avec eux. Il est retenu, menacé de mort, conduit à l'hôtel Poupon à Trégastel. Hubert Pinaton, grand résistant, décide d'agir. il demande au Docteur Le Roux de l'accompagner pour négocier avec les troupes allemandes la libération de Dulas.
Dulas est libéré
Mardi 8 août 1944
Vers 6 heures du matin, des coups de feu sont échangés entre les FFI qui occupent la localité depuis deux jours et une colonne allemande.
La colonne allemande prend position au lieu-dit "La Toupie", à 500 mètres du bourg, à l'embranchement des routes de Lanmeur et de Morlaix. Les FFI sont en petit nombre, ils veulent éviter le combat intra-muros; ils se regroupent dans la campagne.
Après un bref combat faisant quelques blessés de part et d'autre, le sergent FFI Hélary, de Lanmeur, se présente au chef de la colonne, afin de parlementer pour éviter la destruction du bourg et garder ainsi la vie sauve aux habitants.
Les conditions sont les suivantes : trente FFI doivent être livrés aux allemands ainsi que trente otages civils. Trois hommes se présentent comme volontaires : les docteurs Mélou et Roux, ainsi qu'un réfugié brestois, Monsieur Cornic. Pour l'armée allemande, trois personnes c'est insuffisant! Un ordre est donné: Le bourg doit être évacué. Au barrage dressé par l'ennemi les deux médecins se présentent spontanément en tête de la population.
Environ trente otages sont sélectionnés. Les médecins sont relâchés, ils regagnent le bourg, totalement occupé par la colonne allemande
La maison des médecins est mise à la disposition des blessés civils et militaires qui y sont soignés pendant plusieurs heures. Deux FFI sont grièvement blessés : Parc, de Plouézoch, une balle explosive dans la cuisse, ainsi que Jean Flamanc, de Plougasnou, traversé de part en part par une balle. Un officier allemand présent sur les lieux, vérifie les blessures. Les deux médecins lui affirment que la blessure est mortelle, cette déclaration épargne Jean Flamanc.
L'officier allemand dit alors qu'il est prêtre. Il remercie pour les soins dispensés aux blessés. Il déclare que, grâce aux soins, aux bons traitements prodigués par les FFI aux soldats allemands, le bourg de Plougasnou ne subirait ni dégradation, ni pillage. "Plougasnou n'avait rien à craindre" (sic).La colonne allemande se dirige vers Lanmeur, les trente otages en tête. Au lieu-dit "Le Boulva" le résistant Marcel Mahéas se lève, il abat 2 officiers circulant dans les véhicules placés à l'arrière du convoi. A l'entrée de Lanmeur, deux résistants armés, Jean Tanguy et Vincent Le Noan reconnaissent leurs camarades, ils vont à leur rencontre, ils sont abattus par les soldats allemands.
La colonne est survolée par l'armée américaine, celle-ci gênée par un épais brouillard, ne peut intervenir faute de visibilité. A Plouigneau, le brouillard se dissipe, de violents combats ont lieu, la colonne d'otages est libérée. Les otages peuvent regagner Plougasnou.
Mercredi 9 août 1944
Plougasnou est libre.
coll. Patrimoine de Plougasnou (fonds Jean Quinquis)
Maryvonne MOAL
Patrimoine de Plougasnou
le 17 janvier 2015
Rapport de MM. les Docteurs MELOU Yves et LE ROUX Marcel, sur les faits qui se sont déroulés à PLOUGASNOU (Finistère), le mardi 8 août 1944, lors de la venue dans cette commune d'une importante colonne allemande (environ 300 hommes avec 97 charrettes).
Ce jour, au matin vers 6 heures, le bourg fut réveillé par des coups de fusil, échangés entre les F.F.I. qui occupaient la localité depuis deux jours, et la colonne ennemie, laquelle prit position au lieu-dit "La Toupie", à 200 mètres du bourg, à l'embranchement des routes de Lanmeur et de Morlaix. Les F.F.I. se voyant en trop petit nombre, et pour éviter surtout de livrer un combat dans l'agglomération, sortirent se regrouper à la campagne. Le sergent F.F.I. Hélary de Lanmeur, blessé et amputé d'un doigt depuis 48 heures, s'étant présenté en parlementaire, revint porteur des conditions suivantes : 30 F.F.I devaient être livrés aux Allemands. Les F.F.I. ayant quitté le bourg, l'ennemi réclama 30 otages civils. Cette condition rependue dans la population, seuls trois hommes se présentèrent comme volontaires : les Drs Mélou et Le Roux et un vieillard, réfugié Brestois, Mr Cornic. Ce nombre restant insuffisant, l'ordre vint d'évacuer complétement le bourg. Tous deux, nous nous présentâmes en tête de la population. A un barrage établi par l'ennemi, tandis que celui-ci prenait une trentaine d'otages, nous reçûmes l'ordre d'aller soigner chez elle, à environ 300 mètres, une jeune fille, melle Clech marie, blessée le matin par une balle allemande. Ceci fait, nous avions toute latitude de nous esquiver … En simple homme de devoir, nous revîmes sur nos pas, et prenant la colonne à rebours, nous donnâmes nos soins à d'autres blessés. Après avoir constaté que parmi la population évacuée sur diverses routes, notre concours n'était d'aucune utilité, nous regagnâmes le bourg, à ce moment complétement occupé par la colonne ennemie. Nous y rencontrâmes, sur place, une seule personne civile : mr le recteur, l'abbé François Laurent, actuellement aumônier à Saint-Pol-de-Léon. La maison de l'un de nous fut mise à la disposition des blessés civils et militaires que nous soignâmes durant plusieurs heures. Parmi les F.F.I. blessés, deux l'étaient très grièvement : Parc de Plouézoch (une balle explosive dans la cuisse), et, surtout, Jean Flamanc, de Plougasnou, traversé de part en part (trajet abdominal et thoracique), par une balle. Ce dernier, prisonnier de l'ennemi, nous fut amené par lui, et, après avoir montré la blessure à l'officier allemand, lui affirmâmes que la blessure était certainement mortelle. Ce qui, sans doute, évita à cet F.F.I. d'être fusillé. L'officier nous déclara qu'il était prêtre catholique et qu'il fallait donner "les sacrements à ce blessé". Avant de quitter la localité, ce même officier nous remercia et nous affirma que les soins que nous avions dispensé à ses blessés et également les bons traitement réservés par les F.F.I à leurs prisonniers des jours précédents avaient influencé ses décisions, et, contrairement à ce qui s'était passé en d'autres localités, le bourg de Plougasnou ne subit ni dégradation ni pillage, et que "Plougasnou n'avait rien à craindre" (sic). Il est à noter que les trente otages emmenés par la colonne à son départ furent relâchés en cours de route, sans aucun mal.
Notre rôle médical terminé, nous parcourûmes le bourg, patrouillâmes à travers le bourg pour éviter le pillage éventuel, jusqu'au retour de la population le lendemain matin.
Fait à Plougasnou, le 15 août 1944
Signés : Y MELOU et LE ROUX
CITATION
"Le Général de Division ALLARD, Commandant la XIe Région Militaire cite à l'ordre du REGIMENT MELOU Yves. MOTIF DE LA CITATION :
S'est présenté volontairement comme otage à PLOUGASNOU, le 8 août 1944, faisant ainsi preuve d'un grand esprit de sacrifice. A prodigué ses soins aux blessés F.F.I. et Allemands durant les combats.
A contribué par ses actes et des pourparlers, à apaiser les menaces de destructions de la ville.
CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE."
A Rennes, le 12 juillet 1945
Ce jour, au matin vers 6 heures, le bourg fut réveillé par des coups de fusil, échangés entre les F.F.I. qui occupaient la localité depuis deux jours, et la colonne ennemie, laquelle prit position au lieu-dit "La Toupie", à 200 mètres du bourg, à l'embranchement des routes de Lanmeur et de Morlaix. Les F.F.I. se voyant en trop petit nombre, et pour éviter surtout de livrer un combat dans l'agglomération, sortirent se regrouper à la campagne. Le sergent F.F.I. Hélary de Lanmeur, blessé et amputé d'un doigt depuis 48 heures, s'étant présenté en parlementaire, revint porteur des conditions suivantes : 30 F.F.I devaient être livrés aux Allemands. Les F.F.I. ayant quitté le bourg, l'ennemi réclama 30 otages civils. Cette condition rependue dans la population, seuls trois hommes se présentèrent comme volontaires : les Drs Mélou et Le Roux et un vieillard, réfugié Brestois, Mr Cornic. Ce nombre restant insuffisant, l'ordre vint d'évacuer complétement le bourg. Tous deux, nous nous présentâmes en tête de la population. A un barrage établi par l'ennemi, tandis que celui-ci prenait une trentaine d'otages, nous reçûmes l'ordre d'aller soigner chez elle, à environ 300 mètres, une jeune fille, melle Clech marie, blessée le matin par une balle allemande. Ceci fait, nous avions toute latitude de nous esquiver … En simple homme de devoir, nous revîmes sur nos pas, et prenant la colonne à rebours, nous donnâmes nos soins à d'autres blessés. Après avoir constaté que parmi la population évacuée sur diverses routes, notre concours n'était d'aucune utilité, nous regagnâmes le bourg, à ce moment complétement occupé par la colonne ennemie. Nous y rencontrâmes, sur place, une seule personne civile : mr le recteur, l'abbé François Laurent, actuellement aumônier à Saint-Pol-de-Léon. La maison de l'un de nous fut mise à la disposition des blessés civils et militaires que nous soignâmes durant plusieurs heures. Parmi les F.F.I. blessés, deux l'étaient très grièvement : Parc de Plouézoch (une balle explosive dans la cuisse), et, surtout, Jean Flamanc, de Plougasnou, traversé de part en part (trajet abdominal et thoracique), par une balle. Ce dernier, prisonnier de l'ennemi, nous fut amené par lui, et, après avoir montré la blessure à l'officier allemand, lui affirmâmes que la blessure était certainement mortelle. Ce qui, sans doute, évita à cet F.F.I. d'être fusillé. L'officier nous déclara qu'il était prêtre catholique et qu'il fallait donner "les sacrements à ce blessé". Avant de quitter la localité, ce même officier nous remercia et nous affirma que les soins que nous avions dispensé à ses blessés et également les bons traitement réservés par les F.F.I à leurs prisonniers des jours précédents avaient influencé ses décisions, et, contrairement à ce qui s'était passé en d'autres localités, le bourg de Plougasnou ne subit ni dégradation ni pillage, et que "Plougasnou n'avait rien à craindre" (sic). Il est à noter que les trente otages emmenés par la colonne à son départ furent relâchés en cours de route, sans aucun mal.
Notre rôle médical terminé, nous parcourûmes le bourg, patrouillâmes à travers le bourg pour éviter le pillage éventuel, jusqu'au retour de la population le lendemain matin.
Fait à Plougasnou, le 15 août 1944
Signés : Y MELOU et LE ROUX
CITATION
"Le Général de Division ALLARD, Commandant la XIe Région Militaire cite à l'ordre du REGIMENT MELOU Yves. MOTIF DE LA CITATION :
S'est présenté volontairement comme otage à PLOUGASNOU, le 8 août 1944, faisant ainsi preuve d'un grand esprit de sacrifice. A prodigué ses soins aux blessés F.F.I. et Allemands durant les combats.
A contribué par ses actes et des pourparlers, à apaiser les menaces de destructions de la ville.
CETTE CITATION COMPORTE L'ATTRIBUTION DE LA CROIX DE GUERRE."
A Rennes, le 12 juillet 1945