Chapelle Saint-Sébastien de Kermouster
Située à 5,5 kilomètres au sud de Plougasnou, le village de Kermouster domine les bois de Lan Festour. Ces deux noms semblent indiquer la présence, dès le XIème siècle, d'une chapelle érigée par les moniales du prieuré de l'abbaye bénédictine de Saint-Georges de Rennes qui avaient reçu de la duchesse Berthe la paroisse de Plougasnou, en 1039. Cette chapelle est dédiée à Saint-Sébastien, guérisseur des épidémies et des maux contagieux. L'invocation du saint constituait un rempart qui protégeait le bourg de la paroisse de Plougasnou de la peste venant de Morlaix.
" Il y avait une confrérie, dite de St Sébastien qui se desservait dans cette chapelle. Elle avait été fondée le 2 novembre 1631, au prône de la grand'messe de Plougasnou, célébrée à Saint-Jean-du-Doigt « à raison du péril qu'il y a de faire grande assemblée du peuple en l'Église parochiale de Guicaznou pour la fréquence des enterrements de corps contagiés qui se font au cimetière d'Icelle ». Noble et vénérable Messire Guillaume de Trogoff, recteur, ayant remontré que pour «appaiser l'Ire de Dieu justement courroucé contre son peuple … et pour essayer d'impétrer sa grasse et la cessation du fléau des maladies contagieuses et pestilentes qui affligent ladite paroisse depuis les 6 mois derniers et qui y pullulent encore à présent", il était nécessaire de former un vœu spécial et solennel pour demander à Dieu la cessation du fléau et la préservation des paroissiens, les trois ordres, d’une commune voix, fondèrent une messe hebdomadaire à basse voix dite chaque mercredi et à perpétuité dans la « chapelle de sainct Sébastien à Guermouster desus ladite paroisse », à commencer au mercredi suivant, jour auquel les paroissiens se rendirent processionnellement de St Jean à Kermouster pour y répéter leur vœu. Et pour dotation de la fondation, on fixa 3 quartiers de froment mesure de Morlaix à être payés annuellement le jour de la toussaint, un fourni par la fabrique, de Plougasnou, un second par le recteur et un troisième par la fabrique de St Jean. D’après cet acte, … le fléau disparut après le vœu. "[1]
Jusqu'en 1996, le pardon était célébré le dimanche le plus proche de la Saint‑Sébastien, le 20 janvier.
La chapelle de Kermouster sur le cadastre napoléonien
L'ancienne chapelle
Démolie en 1902, l’ancienne chapelle, bâti sur un léger monticule[2], avait une aile latérale gauche. Ses deux fenêtres, l'une simple, l'autre à deux baies, l'une simple, l'autre à deux baies géminées, indiquaient une date de construction fort reculée. A proximité se trouvait la maison noble des d'ARGENTON[3].
"Près de la chapelle était une maison noble, possédée au XVIème siècle par les Argenton, branche d’une famille poitevine qui donna 3 prêtres, dont un prêtre de Plougasnou en 1624. Les familles de l’aristocratie cessèrent de résider à Kermouster après le XVIIème siècle." [4]
De cette chapelle, il ne reste aujourd'hui que la cloche, l'autel et cinq statues en place dans l'église paroissiale de Plougasnou.
La cloche fut fondue sous le rectorat de François Ségaler quelques années après la grande peste de 1631. Elle porte l'inscription suivante : "1655 / GVINVARH F", ainsi que plusieurs motifs, à savoir, deux hermines de part et d'autre d'une croix fleurdelisée. En 1903, elle pris place dans le clocher de la nouvelle chapelle.
Ancienne chapelle de St Sébastien, à Kermouster en Plougasnou – démolie en 1902 – (Croquis de L. Le GUENNEC)
Un prêtre de Saint-Sulpice devant l'ancienne chapelle, vers 1900 (photo du Bon Conseil)
Le projet d'une nouvelle chapelle
La chapelle constituant un danger et étant condamnée par l’architecte du diocèse de Quimper, sa reconstruction s’imposa à l'attention de Mr Hervé QUEYNEC, recteur de Plougasnou depuis juillet 1901. Aussi, lors de sa réunion de janvier 1902, le Conseil de Fabrique décida de démolir la chapelle.
Le recteur Hervé QUEYNEC, sollicita les services de Mr Jean-Marie Abgrall, architecte, qui établit gracieusement, le 18 avril 1902, un plan et un devis pour une nouvelle chapelle.
"Mon cher ami, j'ai remanié un peu le plan de la chapelle de Kermouster et je l'ai soumis aujourd'hui à Monseigneur qui l'approuve. J'ai eu beau rogner les chiffres dans mon devis, je ne puis pas descendre plus bas que 6680 francs. Je mets le prix de la maçonnerie très faible parce que l'entrepreneur aura comme matériaux le moellon de l'ancienne chapelle et le moellon charroyé par les paroissiens. Je serais heureux si avec tes fabriciens tu pouvais trouver un entrepreneur à te faire ce travail pour 5500 francs. Il faudrait mieux faire un marché à forfait de manière à n'avoir pas d'imprévus ni de contestations. Dans le devis je n'ai pas tenu compte de la porte du pignon Ouest ni de l'oculus qui la surmonte parce qu'il est possible que cette porte ne soit pas exécutée ; je crois qu'elle donne sur une propriété et qu'elle n'est pas accessible au public. Le clocher n'a que 0,50 m d'ouverture ; je suis persuadé que la cloche n'a pas ce diamètre et le mouton qui a 0,70 m peut parfaitement être raccourci."[5]
Source : archives de la paroisse de Plougasnou
La nouvelle chapelle
Le projet présenté par Mr J.-M. Abgrall était cependant au-dessus des ressources présentes et futures de la paroisse. Le recteur Hervé QUEYNEC proposa alors de reproduire, avec quelques modifications la chapelle St-Nicolas, récemment bâtie, dans sa propriété par un des conseillers, Olivier Guyomard. En outre, un entrepreneur s’offrait à faire ce travail pour la somme de 4900 f. Le Conseil de Fabrique adopta l'idée en juin 1902, et, dès les premiers jours de juillet, les travaux étaient engagés.
Le tout était fini pour le mois de décembre 1902 et la chapelle repeuplée de ses vieilles statues repeintes et ornées très convenablement était prête pour le jour du pardon du 25 janvier 1903 et jour de la bénédiction de la chapelle par le recteur Hervé QUEYNEC.
L'édifice est de plan rectangulaire. Ses murs sont faits de moellons, avec un chainage d'angle en pierre de taille. La toiture à deux pans est couverte d'ardoises fines.
Source : planche de l'agence "Stap 29/Plaidy"
La migration des Statues
En 1997, Les statues de la chapelle ont été transférées dans l'église paroissiale de Plougasnou. Elles sont classées à l'inventaire des monuments historiques.
de gauche à droite :
Vierge à l’enfant - XVIe siècle - chêne polychrome - H: 85 cm - L: 20 cm - P: 28 cm
Sainte filiation - XVIe siècle - chêne polychrome - H: 123 cm - L: 56 cm - P: 36 cm
Saint Samson - XVIe siècle - chêne polychrome - H: 104 cm - L: 41 cm - P: 30 cm
Evêque - XVIe siècle - chêne polychrome - H: 108 cm - L: 38 cm - P: 27 cm
Saint Sébastien - fin XVIe siècle - chêne polychrome - H: 130 cm - L: 30 cm - P: 30 cm
La situation actuelle
Depuis plus d'une décennie, il n'y a pas d'offices religieux dans la chapelle. En tout état de cause, son état sanitaire ne lui permet pas d'accueillir du public (fissures importantes, enduits se détachant sur les pignons et la façade sud, zones humides apparaissant à l'intérieur de la chapelle[6]).
Sous réserve d'obtenir sa désacralisation et de réaliser des travaux, La commune de Plougasnou, propriétaire de l'édifice, avait envisagé de lui donner une nouvelle destination.
Jean-François JOLY- août 2014
[1] L. LE GUENNEC : archive départementale du Finistère
[2] Sur ce monticule se dresse une pierre levée ou lech.
[3] ARGENTON (D'), sr dudit lieu et d'Hérisson en Poitou,- de Kermouster, par. de Plougasnou, - de Kerambartz, par. De Plouégat-Guérand. Réf. Et montres de 1427 à1543, dites par., év. de Tréguier – D'or à trois tourteaux de gueules, l'écu semé de croisettes d'azur – (Nobiliaire et armorial de Bretagne par P. Potier de Courcy
[4] Jean de TRIGON – Plougasnou et sa trêve de Saint-Jean-du-Doigt, p. 174
[5] Lettre de l'abbé J.-M. ABGRALL chanoine honoraire, aumônier de l'Hospice de Quimper, au recteur de Plougasnou en date du 18 avril 1902
[6] Rapport du Service territorial d'Architecture et du Patrimoine de Brest (STAP/29) – septembre 2013