La chapelle Notre-Dame de Lourdes
Pour visiter la chapelle, cliquez sur sa photo.
Tour virtuel réalisé par Philippe HEURTAULT durant l’été 2016.
La musique de la visite intérieure de la chapelle est la suite en duo pour violon et piano (1927) du compositeur breton Jean CRAS.
Elle est interprétée par Jean-Marie LIONS, violon et Laurence ALLIX, piano.
L’enregistrement a été réalisé lors du concert donné le 13 septembre 2016 en la chapelle Pol de Brignogan
en hommage à Christine THEARD, créatrice du festival Musique en Côte des Légendes .
Nous remercions les artistes interprètes de nous permettre d’utiliser cet enregistrement pour illustrer ce tour virtuel.
La musique de la visite intérieure de la chapelle est la suite en duo pour violon et piano (1927) du compositeur breton Jean CRAS.
Elle est interprétée par Jean-Marie LIONS, violon et Laurence ALLIX, piano.
L’enregistrement a été réalisé lors du concert donné le 13 septembre 2016 en la chapelle Pol de Brignogan
en hommage à Christine THEARD, créatrice du festival Musique en Côte des Légendes .
Nous remercions les artistes interprètes de nous permettre d’utiliser cet enregistrement pour illustrer ce tour virtuel.
HEUZÉ Lionel, plan de la chapelle Notre-Dame de Lourdes. Coll. particulière.
Les vitraux de Notre-Dame de Lourdes.
Les circonstances de la construction Dès les années 1890, des particuliers, séduits par le fort caractère du site de Primel-Trégastel et l'attrait des bains de mer, avaient fait bâtir dans ce qui est à l'époque un « désert », des villas d'esprit éclectique balnéaire, ainsi que des hôtels, pour recevoir une société nouvelle, laquelle donnera au lieu le ton de villégiature qui est encore le sien aujourd'hui. Bien qu’apparue plus tardivement, la chapelle Notre-Dame de Lourdes s'inscrit de façon significative dans ce mouvement, tant du point de vue de son architecture que de celui de son expressivité d'une activité sociale vécue dans l’attachement au lieu, depuis sa découverte jusqu'à son exploitation. Et cela dans la perspective religieuse de l'entre-deux guerres, lorsque le clergé conçoit la Bretagne comme catholique par nature. Mais s'il existe ce qui semble être une appartenance religieuse proprement bretonne, il faut toutefois y considérer des nuances. Car ce sentiment religieux tolère parfois mal le cléricalisme, notamment dans le Trégor, qui devient alors un « pays de mission ». Or Primel-Trégastel était un lieu de vacances sans lieu de culte. Deux chapelles y existaient pourtant ; mais la première, dédiée à Saint Étienne selon les uns, à Sainte Marthe selon les autres – voire à Saint Aubert - , était une ruine menacée par la mer en bordure d'une grève de galets ; la seconde, dédiée à Sainte Barbe, plus haut sur la colline, offrait un volume insuffisant. Deux personnalités s'unirent pour ériger un bâtiment pouvant décemment accueillir les fidèles : un ecclésiastique, le recteur Laurent, et un bienfaiteur, Paul Brinquant. La chapelle Notre-Dame de Lourdes fut le fruit de leur volonté commune. Le site fut choisi à mi-pente d'une colline, à « Tachen Bras ar Palud », le grand champ du palud, sur un terrain chevauchant deux parcelles, l'une appartenant à Paul Brinquant, l'autre à Madame Ropert, habitant Meudon, ainsi que l'atteste l'acte d'attribution à l'Association Diocésaine du 12 février 1927. Une souscription fut lancée, qui recueillit à l'époque une dizaine de milliers de francs. La chapelle en coûtera cent cinquante mille ! La somme manquante sera réglée par Paul Brinquant lui-même, selon ce que rapporte le registre paroissial. Les architectes On fit appel au cabinet de deux architectes de Morlaix, Pierre Laurent et Lionel Heuzé. Pierre Laurent était architecte à Morlaix ; on lui doit la villa Les Bruyères à Roscoff. Lionel Heuzé père (1878-1970), architecte reconnu, éleva des villas parfois somptueuses, des cliniques, et des édifices religieux ; il admirait l'architecture traditionnelle bretonne et anglo-saxonne dont les références marquaient ses ouvrages. Il avait été l'auteur d'un « Essai sur la renaissance d'une architecture régionale en Bretagne » paru en août et septembre 1919 dans les numéros 8 et 9 de la revue Buhez Breiz (Vie de la Bretagne). Bâtie par l'entreprise Gorel de Morlaix, la chapelle fut bénie par l’abbé Laurent le 2 juillet 1926, et dédiée à Notre-Dame de Lourdes en raison de la dévotion particulière que Paul Brinquant, brancardier de Lourdes, portait à la Vierge Marie. Le bâtiment Traditionnelle, mais moderne également : telle se présente la chapelle au premier regard. Les moellons apparents du soubassement et des contreforts, la silhouette, parlent du « pays » et des églises qui y sont maintes fois rencontrées. Mais la partie supérieure du clocher, en béton, tout comme certains éléments, montrent le souci d'utiliser les techniques de construction du moment. Le volume d'ensemble est un parallélépipède allongé couvert d'une toiture d'ardoises à deux versants dont le léger débord est soutenu par des modillons en bois. La sacristie, rapportée au sud, en est le seul élément émergeant. L'emprise au sol est de vingt-quatre mètres vingt sur onze mètres vingt avec la sacristie. La largeur du bâtiment, contreforts exclus, est de huit mètres. Le plan dessiné par Lionel Heuzé a été respecté à deux détails près : la porte de la sacristie ouvre au sud et non à l'ouest comme prévu ; la tribune n'a pas été réalisée. La façade occidentale, à la symétrie affirmée, présente un porche unique, peu profond, dominé et encadré par le ressaut à pans obliques du clocher. Il s'agit là, la symétrie exceptée, d'un schéma courant des façades données aux églises du Trégor, et même au-delà, aux XV° et XVI° siècles. L'élévation latérale, scandée par l'alternance des contreforts et des baies, mène à l'abside polygonale, qui, avec ses pignons de lucarne, rappelle discrètement le modèle à noues multiples utilisé à partir de la fin du XV° siècle. Un avant-corps se détache du chevet. Le raisonnement est donc calqué sur celui de la tradition ; mais son traitement s'en dégage. La pierre, issue des carrières locales, n'est apparente qu'en soubassement, dans les contreforts, dans le ressaut du clocher ; ailleurs les murs, enduits et lisses, évoquent l'efficacité plus que la citation. Les lignes obliques des contreforts qui accompagnent l'élancement du clocher vers le ciel invitent à l'idée de divinité comme elles empruntent au vocabulaire formel propre à l'époque : au même moment, le groupe Ar Seiz Breur, présentait un dynamisme similaire dans le dessin de ses projets mobiliers ou architecturaux. La partie supérieure du clocher, à chambre ouverte, est en béton. En béton également les cordons des murs latéraux, les larmiers chanfreinés, les retraites talutées des contreforts, éléments moulés à partir d'un module puis répartis à la demande à l'extérieur comme à l'intérieur du bâtiment. Le tympan au monogramme de Notre Dame de Lourdes, à qui la chapelle est dédiée, est également en béton moulé ; sur les murs latéraux, le mortier des chaînes encadrant les baies enrobe des gravillons issus des carrières alentour, ou du mâchefer provenant de la gare, aujourd'hui détruite, alors toute proche. La cloche actuelle remplace celle d'origine, jetée bas en 1960 par la tempête et le manque d'entretien ; pesant 90 kg, elle sonne le « la » et, ce qui est rare, comporte une inscription en langue bretonne, sur le bandeau, en quatre lignes : « TORRET ON BET GANT AR BAR-AMZER ER GOAN KRI 1963. TEUZET ON BET ANEVEZ, , HA BINNIGET EN ☞HAN 1964 EN ENOR D' AN INTRO VARIA LOURDES E TREGASTEL. VA FAERON AOA PER DEUFF HA VA MAERONEZ ☞MARHARID DELAHAY, VEL AR WECH KENTA ER BLOAVEZ 1926. AN OTROU PER SALOU O VEA BREMAN PERSO- ☞PLOUGASNOU HAG AN OTROU EMILE LERROL HE VIKEL - ANDRE TANGUY BELEK A SKRIVAS AN DRA-MAN » (Cassée par l'orage en l'hiver rude de 1963. J'ai été fondue à nouveau et bénie en 1964 en l'honneur de Notre Dame de Lourdes à Trégastel. Mon parrain était Pierre Deuff et ma marraine Marguerite Delaye, comme à la première fois en l'an 1926. M. Pierre Salou étant maintenant recteur de Plougasnou et M. Émile Lerrol son vicaire. André Tanguy prêtre écrivit ceci.) - Traduction de Jean Cabon, prêtre. Figurent également deux inscriptions en latin, l'une et l'autre sur la gorge : « FULGURE ET TEMPESTAS LIBERA NOS DOMINE » (Seigneur, délivre-nous de la foudre et de la tempête) à la face ouest, et « AVE MARIA » à la face est, ainsi que le nom du fondeur : « JEAN BOLLEE FONDEUR DE CLOCHES À ORLEANS » sur la patte. Passé le porche, la perspective de la nef à vaisseau unique mène le regard vers l'abside, et là-bas se voient les plus beaux vitraux. Mais c'est également la statue de la Vierge, placée dans la niche formée par l'avant-corps du chevet, qui attire l'attention. Dans cette évocation de la grotte de Massabiel un éclairage zénithal éclaire la statue, sans que la source en soit décelable immédiatement par le visiteur, créant ainsi une sensation de mystère. Le procédé est aussi simple qu'efficace : deux tabatières percées dans la toiture au-dessus de la statue suffisent à créer l'artifice. Le type de couvrement, traditionnel en Bretagne depuis le XV°siècle, plus léger que la voûte, autorise le seul épaulement des contreforts. Le voligeage se présente comme étant un lambris. La très belle charpente apparente, par la succession de ses pannes ouvragées, crée une impression de volume spectaculaire. Et c'est peut-être elle qui laisse le plus fort souvenir au visiteur. Chaque panne, utilisant un système de faux-entrait, repose sur des poteaux accolés au mur, tombant eux-même sur des corbeaux en ciment au droit des contreforts. Jambettes courbes et blochets renforcent l'ensemble. L'espace alors créé fait oublier les dimensions réelles de la chapelle; les lignes courbes des jambettes, les pannes travaillées, le voligeage, le volume, tout peut faire croire à une coque de navire retournée au-dessus des fidèles. Par surcroît, les lustres en forme de grappin qui pendent des blochets, et ont remplacé les suspensions d'origine plus conformes au mobilier d'église, rappellent la présence de la Manche toute proche. Sans doute dans l'idée qu'il s'agit d'une chapelle de gens de mer, inscrite dans son pays et les traditions de celui-ci. Ce que l'on peut débattre, mais qui illustre la volonté d'exprimer une certaine idée de l'âme bretonne. Les architectes ont prévu un panneau mural dédié aux ex-voto au-dessus de la porte de la sacristie. Certaines plaques en ont été gravées; les autres, encore vierges d'inscriptions, attendent un remerciement futur. Ces ex-voto portent le souvenir d'évènement sombres pour la communauté de Primel-Trégastel, et par là montrent combien indéniablement le bâtiment s'est lié au destin du lieu. De même, dans le chœur, sur une plaque de marbre, une inscription relate un fait-divers tragique, la noyade d'un enfant et celle du prêtre venu sauver celui-ci. D’autres plaques, dans la nef, rappellent le nom des architectes, la date de la bénédiction du sanctuaire, ou portent un message de reconnaissance ainsi qu’une citation de Saint Bernard. La décoration de la nef, sobre, utilise les tracés géométriques de l'Art déco. Une frise présentant la répétition d'un motif triangulaire ceinture la nef au-dessous d'un cordon en ciment moulé comme ceux déjà observés à l'extérieur. De faux joints, peints, courent en dessous sur les parois. Le chemin de croix commence sur le mur droit en entrant et se termine sur le mur gauche, contrairement à ce qui est habituel. Les stations sont formées de plaques de terre cuite peintes, enchâssées dans des encadrements modulaires en béton. Parallèlement, dix-huit plaques de cuivre, fixées en dessous, rapportent au jour le jour les récits de Bernadette Soubirous, et légitiment ainsi l'érection de la chapelle. Au verso du tympan, une inscription latine indique que la chapelle, dédiée à la Vierge de Lourdes, fut bâtie en 1926 par la foi des habitants de Primel : « ANNO DNI MCMXXVI ADULATÆ LOURDENSIS VIRGINI HANC ÆDEM PRIMEL FILIORUM FIDES OBTVLIT EREXIT » Le sol est en ciment. Un tapis de mosaïque en son centre conduit à l'autel. Celui-ci ne présente plus son aspect d'origine en raison du changement de rite qui eut lieu dans les années 1980, et qui demandait à l'officiant de faire dorénavant face aux fidèles. Néanmoins, le piètement, dont une partie est en marbre, et la table ont été conservés. Une table de communion en pierre sépare l'ensemble de la nef. Les vitraux Les vitraux de la nef, sauf un, se rapportent à des évènements liés au culte marial. Successivement : « 1°APPARITION », le vœux de Louis XIII consacrant la France à Marie en remerciement de la naissance de Louis XIV ; « A NOS SOLDATS», le rapprochement entre Notre-Dame de Luxembourg, la Consolatrix afflictorum, et la Première Guerre Mondiale ; « APPARITION A SŒUR C. LABOURE », avec la phrase « REGINA SINE LABE CONCEPTA ORA PRO NOBIS» rapportée par la religieuse Catherine Labouré annonçant la formule de « L'Immaculée Conception » « ASSOMPTION 1950 », et la date de la première manifestation décrite par Bernadette Soubirous considérée comme le « SALUT DES AFFLIGES » ; « ARCHICONFRERIE DE ND DES VICTOIRES », la naissance de l'association du Cœur de Marie ; « BATAILLE DE LEPANTE », la victoire de Lépante et sa célébration par Pie V sous le nom de Notre Dame du Rosaire ; enfin, « À NOS MARINS », l’invocation à la « STELLA MARIS « renvoyant au caractère maritime du lieu. Au-dessus de la porte latérale, un vitrail plus petit que les précédents est dédié à Saint Jean Bosco. Les ateliers Mauméjean, ont été choisis pour réaliser les trois vitraux du chœur. Le lien unissant ceux-ci est soulignée par l'emploi, pour chacun d'entre eux, du même décor d'encadrement : la scène représentée est vue au travers d'une baie dont le soubassement comporte un cartouche, et qui est cernée par deux colonnes supportant un fronton trilobé à crochets. La Jérusalem céleste couronne le tout. Le premier vitrail, « LA BIENHEUREUSE BERNADETTE », montre Bernadette Soubirous dans son décor quotidien : les rives du Gave de Pau et le château de Lourdes, tandis que dans les nuages, rayonnante, apparaît la future basilique. Sur le deuxième, « BENEDICTION DU SAINT SACREMENT » la foule des malades, accompagnée des hospitaliers, et celle du clergé s'agenouillent de part et d'autre de la célébration de l'adoration du Saint Sacrement à Lourdes. Le troisième, « LA CROIX DES BRETONS », juxtapose un calvaire aux armes de la Bretagne et l'image de la basilique de Lourdes, liant ainsi la lointaine source de la consécration de la chapelle au terroir. Délégation des fidèles, hommes et femmes en costume traditionnel rendent grâce au calvaire entouré des statues de quatre des saintes femmes. Leur réunion unifie dans le même élan les particularismes bretons, âges, sexes, régions et professions confondus. Chacun peut se reconnaître dans les personnages peints sur verre : le marin, le civil, la bigoudène, la femme de Plouguerneau, les jeunes filles en coiffes diverses. Des drapeaux, dont le plus visible comporte une devise en breton, « BREIZ DA VIR VIKEN », Bretagne pour toujours, complètent l'effet dans cette image translucide de l'idée d'une cohérence bretonne que maintiendrait la foi. Les vitraux ont été restaurés en 2009 par l'atelier Charles Robert de Pluguffan sur les fonds recueillis par les bénévoles du Festival de la Mer et de la kermesse associée. Environnement architectural de la chapelle La chapelle fait partie d'un programme architectural étalé sur plusieurs années. Elle est située à un jet de pierre de Ker Hélène, qui fut un temps la demeure du principal donateur, Paul Brinquant, lequel proposa aux Salésiens de Don Bosco d'établir une maison de vacances sur un terrain qu'il leur cédait à deux pas de la chapelle. C'était appartenir à cette œuvre d'apostolat qui voit les patronages se multiplier en Bretagne dans la première moitié du XX° siècle. L'ensemble est complété par « Les Genêts », la maison de la gouvernante de Paul Brinquant, un garage, tous deux modifiés à des degrés divers aujourd'hui, et un calvaire en granite, encore un don de Paul Brinquant, édifié en 1929 lors d'une mission, et qui répond à son homologue du vitrail dans la baie lui faisant face. C'est donc un aspect particulier et significatif de la Bretagne de l'entre-deux guerres qu'illustrent la chapelle et ce groupe de constructions dont les éléments principaux sont demeurés fidèles à l'intention architecturale qui les a élaborés. Patrick VIRION ________________________________________________________________________ SOURCES : APPRIOU, Daniel, BOZELLEC, Erwan, Châteaux et manoirs en baie de Morlaix, tome III, Morlaix, Éditions du Bois d'Amour, 2004. LE COUÉDIC, Daniel, Les Architectes et l'idée bretonne, Rennes/Saint Brieuc, Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne/Archives Modernes d'Architecture de Bretagne, 1995. Mémoire des hommes inscriptions sur la pierre et le métal, Ouvrage collectif sous la direction de Christian Millet, ULAMIR, Lanmeur, 2010. RANNOU, Nolwenn, Joseph Bigot (1807-1894) architecte et restaurateur, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006. TANGUY, André, La Chapelle Notre-Dame de Lourdes de Primel-Trégastel, document. TRANVOUEZ, Yvon, Catholiques en Bretagne au XX° siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006. ________________________________________________________________________
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Les plaques de marbres apposées dans la nef.
Stations V et VI du chemin de croix.
Une des dix-huit plaques rapportant le récit de Bernadette Soubirous.
Le verso du tympan.
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