PRIMEL-TREGASTEL :
SÉPULTURE « ENTRE TERRE ET MER »
cl. Christian Millet
À la fin du mois de mars 2016, suite à de fortes tempêtes, deux promeneurs Roland et Olivier Doher ont découvert des ossements sur la grève de Beleg à Primel, dans un espace qui semble avoir été aménagé avec des galets et des dalles de schiste (ou tuf).
Coordonnées GPS : 3° 48’ 59,2’’ O – 48° 42’ 58,4’’ N - ALT. 6m
L’association « Patrimoine de Plougasnou » a alors alerté, avec photographies et localisation GPS à l’appui, les archéologues de l’INRAP, Jean-Charles Arramond (sans réponse) et Yvan Pailler dont voici les commentaires du 6 avril 2016.
« Les ossements présents dans la structure ont bien l'air humain et leur patine me fait dire qu'ils ont dû faire un séjour assez prolongé dans la terre… Il y a de nombreuses structures archéologiques répertoriées à la pointe de Primel-Trégastel (Plougasnou) dont des coffres de l'âge du Bronze et d'autres plus récentes comme la chapelle Bellec. Néanmoins, la structure composée de galets et de petites dalles semble elle-même construite sur (dans) le cordon de galets sans être enfoncée dans un vieux sol comme c'est généralement le cas des sépultures anciennes en secteur côtier. J'aurais donc tendance à penser, mais je peux me tromper, qu'on l'on a affaire à un pseudo-coffre de construction très récente dans lequel on a déposé des ossements humains mis au jour par l'érosion ou par quelque curieux ».
Yvan PAILLER, Archéologue INRAP - UMR 8215 Trajectoires (MAE, Nanterre) & UMR 6554 LETG - Brest Géomer - Institut Universitaire Européen de la Mer - Rue Dumont d'Urville - Technopôle Brest Iroise - 29280 PLOUZANE.
Nous avons également prévenu Philippe DENAIX, du réseau ALeRT (Archéologie Littorale et Réchauffement Terrestre) qui assure la surveillance de l'estran pour l'ensemble du Trégor, dont voici la réponse du 11 avril 2016.
« En 1984, un coffre funéraire de l'âge du Bronze a été découvert sur la plage de Primel à 300 m plus au Sud de la nouvelle découverte ».
Lorsque nous sommes revenus sur les lieux, tout avait disparu suite à la grande marée de coefficient 118 du 8 avril 2016. L’examen que nous avons pu faire des ossements, vraisemblablement des fémurs et des os de bassin, nous fait pencher vers l’interprétation d’Yvan Pailler. Nous avons donc interrogé les anciens du Diben en Plougasnou et l’un d’entre eux, Roger Loussot nous a livré ce témoignage :
« En 1868, ma grande tante, Jeanne Lesquin (née en 1860), future épouse de M. Guilleser propriétaire de l’hôtel de la Plage à Primel, gardait les vaches dans le champ compris entre la pointe d’Annalouesten et le Port Blanc (Parc Meshir ?), quand des personnes trouvèrent des ossements humains (corps sans tête) sur l’estran. La tradition, à l’époque, était d’aménager une petite sépulture pour de tels ossements sur les bords de la grève, entre « terre et mer ». Au temps du maire de Plougasnou André Déan (1971-1983), Dino Choquer retrouva ces ossements remis au jour par la marée ».
Les ossements trouvés près de la chapelle Bellec pourraient être de même nature. La mer attaquant de plus en plus les grèves sur cette partie de la commune, ces sépultures sont découvertes par les marées et les ossements qu’elles contiennent mis à jour.
Cette tradition de sépulture entre « terre et mer » d’hommes nés sur terre, décédés en mer, sans possibilité d’identification (étaient-ils catholiques ?), nous a été depuis confirmée par plusieurs autres personnes.
Pierre-Yves Decosse, sur son site « Histoire maritime de Bretagne Nord » (www.histoiremaritimebretagnenord.fr) aborde cette hypothèse à propos de squelettes retrouvés en 1980 sur la grève de Pors Alliou dans l’Île de Batz.
« La découverte de cadavres sur le littoral était chose assez courante à l’époque historique. Les naufrages étaient fréquents et les cadavres finissaient souvent par arriver à la côte.
Dès le XVIIIème siècle, lorsqu’un cadavre arrivait à la côte la population littorale avait le devoir, suivant l’ordonnance de la marine de 1681, de le préserver pour éviter qu’il ne reparte à la dérive, ainsi que de prévenir les autorités de l’Amirauté.
Une recherche d’identification était dépêchée par l’Amirauté en fonction des naufrages et déclarations connues ; normalement l’Amirauté dépêchait sur place un chirurgien pour identifier la cause du décès. Une fois ses démarches effectuées, l’Amirauté délivrait un permis d’inhumer. La population littorale qui s’était occupé du cadavre était défrayée pour le transport et l’inhumation. Mais se posait, alors le problème du lieu d’inhumation ; si le cadavre n’était pas identifié, on ne pouvait savoir s’il était de confession catholique et en cas de doute il ne pouvait être enterré dans le cimetière paroissial. Dans ce cas on choisissait, si le cadavre n’était pas en état d’être transporté, de l’enterrer à la grève à l’endroit même où on l’avait trouvé. La population littorale pauvre récupérait les vêtements sur la dépouille avec l’autorisation de l’Amirauté ».
Il est vraisemblable que la montée du niveau de la mer nous fasse découvrir de nouvelles sépultures de ce type suite à de fortes tempêtes et lors de grandes marées.
De même en novembre 1992, dans la partie ouest de la plage du Guerzit, au pied de la falaise de Perherel, on trouva le squelette d’un homme âgé d’une trentaine d’années ayant vécu au XVIIIe siècle.
Ci-joint le rapport de Michel Le Goffic, archéologue départemental.
Christian MILLET